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Analyse ressources en ligne

Dernière modification 30/04/2006 20:22

Analyse de ressources en ligne pour l'accompagnement scolaire en mathématiques (rapport réalisé par l'IREM de Paris 7, à la demande de la région Ile-de-France)

 

Auteurs

Michèle Artigue, Caroline Bardini, Dalila Behaj, Claire Cazes, Mathilde Eckert, Jean-Michel Gelis, Mariam Haspekian, Daniela Lucas, Didier Missenard, Laurent Souchard

Rapport édité par la Région Ile-de-France et l'IREM Paris 7

En ligne : http://pcbdirem.math.jussieu.fr/SITEscore/rapportsommaire.php

 

Préface du rapport 

Luc TROUCHE, INRP, LIRDHIST (Lyon 1) et LIRMM (Montpellier 2)

L'évaluation des ressources numèriques pour l'enseignement (des mathématiques) : un enjeu scolaire, social et scientifique important

Le foisonnement de ressources pédagogiques, en particulier mathématiques, sur le web est à la fois le produit d’une certaine évolution des pratiques professionnelles (certains enseignants ne conçoivent plus des ressources sur papier et seulement pour eux, mais les conçoivent sur support électronique et les mettent à disposition d’autres, via Internet) et le moteur virtuel d’une évolution de ces pratiques (l’accès facile à de nouvelles ressources pourrait donner l’envie – ou la possibilité – à des enseignants d’intégrer de nouveaux outils dans leur propre pratique).

L’évolution de ce besoin n’est pas uniforme : une enquête réalisée à une vaste échelle par le CRDP Languedoc-Roussillon montre (tableau 1) que la demande de ressources numériques sur Internet est plus forte chez les enseignants du second degré (50%) que chez les enseignants du premier degré (40%), plus forte chez les enseignants de moins de 31 ans (58%) que chez les enseignants de plus de 50 ans (37%), plus forte chez les professeurs de mathématiques (53%) que chez les professeurs de langue (38%).

Tableau 1 – Etes-vous demandeur de ressources pour l’enseignement sous forme de…(Comert 2003)

Il y a aussi, bien sûr, un long chemin entre la demande de ressources numériques nouvelles et leur intégration scolaire : une étude récente, dans le cadre d’un projet européen mené en Catalogne et dans le Languedoc-Roussillon (Combes & Noguès 2005), montre que, si 80% des enseignants ont accès aujourd’hui aux TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement), ils ne sont que 10% à les intégrer régulièrement dans leur enseignement.

Il n’en reste pas moins que cette demande de ressources numériques est nouvelle. Elle rencontre par ailleurs une volonté forte de certaines collectivités locales de contribuer au soutien à l’enseignement via des ressources numériques pouvant être exploitées dans un cadre péri-scolaire, plus généralement une volonté de prendre en charge une diffusion de matériels pédagogiques, dans le cadre des nouveaux ENT (Espaces Numériques de Travail), les supports numériques ayant vocation à remplacer les livres scolaires. La prise de conscience de cette nécessité est un fait positif : jusqu’à une date récente, de nombreux élus estimaient avoir rempli leur mission en dotant chaque collégien d’un cartable électronique, sorte de coquille vide censée servir de support naturel à l’apprentissage.

Le fait de prendre en charge la mise à disposition, pour les élèves et les enseignants, de ressources disciplinaires dédiées à l’enseignement ne suffit pas : il faut encore que ces ressources soient de qualité ! C’est pourquoi la décision de la Région Ile-de-France de proposer, sur une large échelle, une expérimentation de ressources numériques d’accompagnement scolaire (essentiellement deux tutoriels, Maxicours et Paraschool ainsi que les Pages Interactives Euler développées par l’académie de Versailles), et son souhait que cette expérimentation fasse l’objet d’un suivi et d’une évaluation universitaires, doivent être salués. Ce suivi et cette évaluation ont été réalisés par une équipe de l’IREM et du laboratoire de didactique DIDIREM de Paris VII, deux structures qui regroupent à la fois des enseignants pionniers, des formateurs et des chercheurs et qui ont acquis, au niveau international, une reconnaissance pour leurs travaux, en particulier ceux relatifs à l’intégration des TICE (Lagrange & al 2003). Toutes les conditions étaient donc réunies pour que cette étude débouche sur des résultats très utiles, pour la Région Ile-de-France qui l’a commandée bien sûr, mais, au-delà, pour d’autres collectivités locales devant faire des choix pédagogiques, et, bien sûr, pour les enseignants eux-mêmes et les chercheurs du domaine.

Cette étude m’intéresse du fait de mon implication dans les recherches menées à l’IREM et dans l’équipe web sémantique et e-learning du LIRMM de Montpellier, et dans les dispositifs liés à ces recherches : le SFoDEM (Guin & al 2003), un dispositif de conception collaborative de ressources numériques pour l’enseignement des mathématiques et la cellule qualité de l’Université Ouverte Montpellier Languedoc-Roussillon qui élabore des outils de suivi et d’évaluation des dispositifs de formation et des ressources pédagogiques. C’est donc avec plaisir et intérêt que j’ai accepté, à la demande de Michèle Artigue, de rédiger une préface à cette étude, une étude très complète qui combine une inspection a priori des ressources pédagogiques, une enquête par questionnaires auprès des élèves et des professeurs expérimentateurs, et des visites d’établissements scolaires et de classes concernées. Je voudrais, dans le cadre de cette préface, relever plusieurs résultats qui paraissent particulièrement intéressants (et qui s’opposent à certaines idées reçues).

Résultats de l’analyse a priori des ressources

La grille d’analyse qui a été constituée, conjuguant des approches ergonomique et didactique puis appliquée aux deux tutoriels Maxicours et Paraschool essentiellement dans cette première année d’étude, fait ressortir très clairement les insuffisances de ces produits :

  • ils tirent peu parti des possibilités qu’offrent pourtant, théoriquement, des ressources numériques : peu de figures en géométrie, peu d’animation (dont on connaît pourtant la nécessité dans la mise en Å“uvre d’une démarche expérimentale) ;
  • il n’y a pas de réelle progressivité des exercices (en général de type QCM) ;
  • quand les exercices sont complexes, ils sont divisés en une succession de sous-tâches, rendant difficile l’accès à une vision globale de l’activité ;
  • les logiciels ne proposent pas de scénarios pédagogiques (en dehors de ceux, très classiques, sous-jacents à leur structure : cours, puis exercices) ;
  • les rétroactions qu’ils proposent sont souvent didactiquement faibles ;
  • ils offrent très peu de moyens, à l’enseignant ou à l’élève, pour personnaliser leurs usages (par exemple pour paramétrer les modalités d’interaction ou d’évaluation).

Ces insuffisances peuvent apparaissent étonnantes, pour des produits censés accompagner les apprentissages (alors même que l’on a passé depuis longtemps la phase des premiers balbutiements des tuteurs intelligents). Elles sont pourtant bien réelles, attestées par les usagers, élèves et des professeurs. Les auteurs de l’étude indiquent que les concepteurs des tutoriels, qui ont suivi avec intérêt le développement de l’étude, sont sensibles aux remarques des usagers et qu’ils sont disposés à faire évoluer leurs produits. On comprend que les entreprises qui produisent les tutoriels aient tout intérêt à prendre en compte les résultats de l’évaluation des produits pédagogiques qu’elles proposent. Mais cette nécessité de répondre aux besoins des usagers ne relève pas seulement d’une logique commerciale, elle relève d’une logique de la conception des environnements d’apprentissage : Béguin & Rabardel (2000) montrent en effet la nécessité de concevoir des environnements d’apprentissage qui intègrent les usages qui se font jour. Il ne s’agit pas d’une intégration qui se ferait une fois pour toute, après une phase de test, il s’agit, plus profondément, de concevoir des outils flexibles, qui se prêtent à une appropriation des usagers : il s’agit d’intégrer élèves et enseignants dans le processus même de conception des environnements.

Résultats de l’analyse des usages

Les observations menées le montrent clairement : les élèves rentrent vite dans l’interaction avec les tutoriels. Cependant l’articulation qu’ils réalisent entre l’environnement informatique et l’environnement traditionnel est très faible (peu de prise de note, pas d’impression papier, peu de retour au cours). Par ailleurs, alors qu’on attendait une utilisation facilement autonome des élèves, il apparaît qu’ils préfèrent utiliser le logiciel dans des séances avec l’enseignant plutôt que sans l’enseignant, et que, quand ils ont besoin d’aide, ils se tournent plutôt vers les autres élèves ou le professeur que vers le tutorat proposé par le logiciel. Enfin les élèves les plus en difficulté dans le cours de mathématiques ne semblent pas les plus à l’aise avec les logiciels. Bref, on retrouve, dans le contexte des tutoriels, des phénomènes déjà analysés dans d’autres environnements informatisés d’apprentissage : ils ne peuvent pas se substituer à l’enseignant, ils demandent au contraire un accompagnement et des dispositifs spécifiques d’intégration.

Du côté des professeurs, les observations mettent en évidence deux groupes : le groupe des enseignants qui ajoutent les tutoriels à un enseignement classique demeuré inchangé, et le groupe de ceux qui essaient de modifier leur enseignement pour pouvoir y intégrer ces nouveaux outils : cela confirme à nouveau que les artefacts, en général, ne sont que des propositions (Béguin et Rabardel 2000) et que la logique de l’usage peut en faire éclore des instruments très différents. Mais il apparaît clairement qu’il est très difficile, même pour les professeurs du deuxième groupe, de reconstruire, seuls, une nouvelle cohérence professionnelle : cette difficulté se manifeste dans l’absence quasi-totale de lien entre les séances informatiques et les séances ordinaires. Finalement, le rapport le note, ce qui semble dominer, dans les classes qui ont expérimenté ces logiciels, c’est plus une logique d’addition (d’un nouvel outil pédagogique) que d’intégration.

Résultats en matière de besoins

L’étude débouche sur un ensemble de conditions nécessaires pour assurer la viabilité des tutoriels dans les structures d’étude ou d’aide à l’étude des mathématiques. Parmi celles-ci, toutes importantes, je voudrais en distinguer quatre :

  • la première concerne la communauté de recherche en didactique des mathématiques : l’introduction de tutoriels modifie profondément l’économie du travail mathématique, il est sans doute nécessaire d’approfondir le travail de recherche pour analyser l’activité des élèves et évaluer, comme le note le rapport, sa qualité mathématique ;
  • la deuxième concerne l’institution éducation nationale : il est clair que l’intégration de nouveaux outils supposés accompagner le travail autonome des élèves n’allège pas la charge de l’enseignant, tout au contraire elle l’augmente et la complexifie. Les enseignants sont sans doute en droit d’attendre un clair soutien institutionnel au travail qu’ils engagent dans cette direction (les enseignants impliqués dans l’expérimentation étaient volontaires ; si l’on veut étendre le dispositif, la nécessité d’une reconnaissance institutionnelle sera évidemment encore plus forte) ;
  • la troisième concerne les concepteurs d’environnements : il est indispensable que la qualité des tutoriels soit nettement améliorée (sur ce point, les usagers ont des demandes très précises, qui apparaissent toutes pertinentes, en matière de suivi de l’activité de l’élève, de génération aléatoires d’exercices, d’animation, de possibilités de paramétrage du logiciel, etc.). Les auteurs du rapport insistent aussi dans leur conclusion sur une nécessité qui apparaît cruciale dans toutes les expérimentations (ce fut aussi un enseignement du SFoDEM) : la nécessité d’une scénarisation des activités, ce qui n’exclut pas bien sûr une certaine autonomie des enseignants et des élèves, mais qui permet d’assister les usages des uns et des autres ;
  • la quatrième concerne les enseignants eux-mêmes, elle émerge à plusieurs endroits du rapport, et est apparue fondamentale dans le SFoDEM, comme dans d’autres dispositifs de conception et d’expérimentation de ressources numériques : c’est la nécessité d’un travail d’équipe, plus précisément d’une démarche de mutualisation impliquant les enseignants d’un même groupe (établissement, communauté virtuelle, etc.). Cette condition n’est pas indépendante des précédentes : la mutualisation est une condition d’évolution des scénarios, d’enrichissement d’un vivier de ressources pédagogiques, et elle donne des moyens plus efficaces pour que les besoins des usagers, collectivement exprimés, soient pris en compte par les institutions et par les concepteurs des logiciels.

Tous ces résultats semblent très significatifs. Ils sont présentés clairement dans ce rapport agréable à lire et instructif. Cette étude, qui s’est penchée dans un premier temps essentiellement sur deux « produits » pédagogiques, doit se prolonger en 2005-2006 par l’analyse d’autres produits, les Pages Interactives Euler déjà citées, mais aussi de nouveaux produits comme MathEnPoche. MathEnPoche, résultat d’une entreprise de mutualisation à laquelle collaborent de nombreux enseignants liés au réseau Sésamath, a déjà été expérimenté dans plusieurs départements, ses usages ont été évalués par les IPR (référence) et son développement fait l’objet d’une collaboration avec le réseau des IREM. Il serait sans doute très utile que les évaluations scientifiques d’expérimentation d’apprentissage en ligne puissent aussi être mutualisées, que les critères touchant les volets techniques, humains, organisationnels, ergonomiques et pédagogiques puissent être discutés et partagés. Le projet EvaTic (Dufresne & al 2005) d’une base de connaissances sur l’évaluation des environnements d’apprentissage reposant sur les TIC est, de ce point de vue, prometteur.

Plus profondément, l’interaction entre les informaticiens et les didacticiens que nécessitent ces évaluations (par exemple, pour cette étude, quand il s’est agi de concevoir une grille d’analyse des logiciels) suppose un travail commun sur le vocabulaire, les concepts et les méthodes. Ce travail était l’un des objectifs majeurs du symposium (Guin & al 2005) qui s’est déroulé à Montpellier en septembre 2005, dans le cadre des rencontres du Réseau Education et Formation. C’est ce travail commun qui fonde, finalement, la nécessité de la communauté EIAH (Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain). L’étude que l’on donne à lire dans ce rapport est une illustration particulièrement intéressante du caractère fructueux de cette interaction.

Références

Béguin, P. & Rabardel, P. : 2000, 'Concevoir pour les activités instrumentées', Interactions homme-système, perspectives et recherches psycho-ergonomiques, Revue d'Intelligence artificielle 14, 35-54.

Combes, M.-C. & Noguès, M. : 2005, 'Formation à distance des professeurs de mathématiques, vers de nouvelles pratiques professionnelles’', in Intégration des TIC et formation à distance dans un espace transfrontalier : l’exemple de la Catalogne et du Languedoc-Roussillon, UOC, Perpignan.

Comert, J.-P. (dir. par) : Les ressources éducatives et les TICE, CRDP, Montpellier, www.crdp-montpellier.fr/enquetenseign0203.pdf

Dufresne, A., Raynaud, J., Turcotte, S. & Villiot-Leclerc, E. : 2005, 'EvaTic : une base de connaissances sur l'évaluation des environnements d'apprentissage reposant sur les TIC', in P. Tchounikine, M. Joab & L. Trouche (eds.), EIAH 05, INRP & Université Montpellier II, Montpellier, pp. 467-472.

Guin, D., Joab, M. & Trouche, L.: 2003, SFoDEM (Suivi de Formation à Distance pour les Enseignants de Mathématiques), bilan de la phase expérimentale, IREM, Université Montpellier II, Montpellier.

Guin, D., Joab, M. & Trouche, L. : à paraître, 'Quels modèles, dispositifs de formation et outils pour une approche instrumentale des ressources pédagogiques ?' in M. Baron, D. Guin & L. Trouche (eds.), Symposium : Environnements Informatisés pour l'éducation et la formation scientifique et technique : modèles, dispositifs et pratiques, REF 2005, Montpellier.

Guin, D. & Trouche, L.: 2005, 'Distance Training, a Key Mode to Support Teachers in the Integration of ICT? Towards collaborative conception of living pedagogical resources', in Fourth Conference of the European Society for Research in Mathematics Education.

Lagrange, J.-B., Artigue, M., Laborde, C. & Trouche, L.: 2003, 'Technology and Mathematics Education: a Multidimensional Study of the Evolution of Research and Innovation', in A. Bishop, M.A. Clements, C. Keitel, J. Kilpatrick & F.K.S. Leung (eds.), Second International Handbook of Mathematics Education, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, pp. 239-271.

MathEnPoche http://www.sesamath.hautesavoie.net/mathenpoche/

 

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