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Chaos, une aventure mathématique

Dernière modification 26/01/2013 15:55

Aurélien Alvarez

Chaos (http://www.chaos-math.org) est un film mathématique constitué de neuf chapitres de treize minutes chacun. Il s'agit d'un film tout public autour des systèmes dynamiques, de l'effet papillon et de la théorie du chaos. Tout comme Dimensions, ce film est diffusé sous une licence Creative Commons et a été produit par Jos Leys, Etienne Ghys et Aurélien Alvarez. Ce film est disponible gratuitement sur internet depuis janvier 2013 et vous pourrez lire dans cet éditorial une présentation rapide des différents chapitres de ce film. D'autres traductions sont encore en cours de préparation mais, d'ores et déjà, on trouve le film en version française, anglaise, espagnole, italienne, portugaise et néerlandaise, accompagné d'un large choix de sous-titres. Ce projet n'aurait pu voir le jour sans l'aide d'un grand nombre de personnes que je n'oublie pas de remercier une fois encore.

« Tout s'écoule, tout est mouvement. » Ainsi commence le premier chapitre de Chaos, reprenant l'une des idées principales de la philosophie d'Héraclite d'Ephèse qui vécut à la fin du VIe siècle av. J.-C. La Science peut-elle nous aider à prédire l'avenir ? Voilà une question qui ne date pas d'aujourd'hui et que l'on peut voir comme un fil conducteur de ce film.

 Voici une brève présentation des neuf chapitres de ce film. 

    i. Mouvement et déterminisme. Panta Rhei. Lorsque l'on se pose par exemple la question de la stabilité du mouvement des planètes, le déterminisme scientifique semble montrer ses limites... nul ne peut calculer où sera précisément la Terre dans un milliard d'années ! Du coup n'est-il pas plus raisonnable (et peut-être plus intéressant d'ailleurs) de se demander simplement s'il pourrait arriver que la Terre soit éjectée du système solaire ? Ou plutôt que de chercher à connaître le temps qu'il fera à Lyon dans dix ans, jour pour jour, ne serait-il pas plus utile d'essayer de prévoir des moyennes, comme par exemple le nombre de jours de pluie en France pendant une saison ? C'est sur ce changement de point de vue sur la nature du déterminisme scientifique que se termine le premier chapitre de Chaos.

     ii. Champs de vecteurs. La course des legos. A la fin du XVIIe siècle, Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) et Isaac Newton (1643-1727) mettent indépendamment au point un outil mathématique prodigieux : le calcul infinitésimal ou calcul différentiel et intégral. Il s'agit en quelque sorte d'une boule de cristal incroyablement efficace pour prédire l'avenir, dès lors que le mouvement d'un système est régi par une équation différentielle. Ce deuxième chapitre de Chaos est d'une certaine façon une initiation à ce calcul intégro-différentiel dans le monde des legos.

    iii. Un peu de mécanique. La pomme et la lune. Pourquoi une pomme tombe du pommier alors que la Lune ne tombe pas sur la Terre ? C'est la question que se pose Newton dès l'âge de 17 ans, l'occasion de revenir dans ce chapitre sur le principe fondamental de la dynamique et la loi de l'attraction gravitationnelle.

    iv. Oscillations. La balançoire. L'idée que les mouvements finissent toujours par se stabiliser, en s'arrêtant ou en oscillant périodiquement, a longtemps dominé la Science. Dans ce chapitre, on essaie d'expliquer l'idée principale du théorème de Poincaré-Bendixson, le fait qu'il ne peut y avoir de récurrence : une trajectoire qui partirait d'un point P du plan peut tout à fait dans un premier temps revenir pas trop loin de P mais, ensuite, elle est condamnée à ne plus y revenir.

    v. Billards. Le taureau de Duhem. Au début du XXe siècle, le philosophe des sciences Pierre Duhem (1861-1916) se plaît à présenter les travaux du mathématicien Jacques Hadamard (1865-1963), publiés en 1898 dans un article intitulé Sur les géodésiques des surfaces à courbures opposées, d'une manière imagée : il s'agit alors de lancer une bille qui roulerait sans frottement sur le front d'un taureau dont on aurait allongé les cornes jusqu'à l'infini. Dans ce chapitre, on essaie d'expliquer les idées d'Hadamard sur un exemple différent mais finalement assez proche des géodésiques sur les surfaces à courbures opposées : il s'agit du jeu de billard.

    vi. Chaos et fer à cheval. Smale à Copacabana. Au début des années 1960, le jeune mathématicien américain Steve Smale (1930-...) travaillait sur la plage de Copacabana lorsqu'il découvrit un fer à cheval : il s'agit d'une transformation du plan qui associe dilatation, contraction et repliement, transformant un carré en une sorte de fer à cheval. Cette dynamique est extrêmement riche, que ce soit dans le futur ou dans le passé, avec une structure qui se reproduit à l'infini. Le fer à cheval est un exemple paradigmatique de système dynamique qui cherche à réduire le chaos à son expression la plus élémentaire.

    vii. Attracteurs étranges. L'effet papillon. En 1963, Edward Lorenz (1917-2008), qui s'intéressait au problème de la convection dans l'atmosphère terrestre, simplifia drastiquement les équations de Navier-Stokes de la mécanique des fluides, réputées pour leur inextricable complexité. Le modèle atmosphérique de Lorenz est ce que les physiciens appellent un modèle-jouet. Comprendre l'attracteur de Lorenz a un véritable enjeu scientifique. À quoi ressemble-il précisément ? Comment se comporte sa dynamique interne ? C'est pour essayer de répondre à ces questions que, dans les années 1970, Birman, Guckenheimer et Williams ont proposé un modèle simple que l'on peut construire à l'aide de bandes de papier.

    viii. Statistiques. Le moulin de Lorenz. Face au problème de la sensibilité aux conditions initiales, Lorenz nous propose de recentrer nos ambitions autour de questions statistiques. Le but de cet avant-dernier chapitre de Chaos est de montrer qu'il existe une approche positive et constructive face au problème de la dépendance sensible aux conditions initiales. C'est le véritable message de Lorenz qui, malheureusement, est peu connu du grand public.

    ix. Chaotique ou pas ? La recherche aujourd'hui. Il y a beaucoup de sortes de dynamiques, certaines sont compliquées, d'autres non. Dans les années 1990, le mathématicien brésilien Jacob Palis (1940-...) a formulé tout un ensemble de problèmes qui, s'ils étaient résolus, permettraient d'avoir une vision globale du chaos. Les conjectures de Palis sont des énoncés mathématiques précis, nécessairement techniques, qui reprennent un certain nombre d'idées présentées dans ce film.

Aujourd'hui, on ne pense plus au déterminisme comme l'évolution d'une trajectoire individuelle, mais bien plus comme tout un ensemble en évolution collective. La sensibilité aux conditions initiales des trajectoires semble compensée par une sorte de stabilité statistique de tout un ensemble. Cette image est-elle trop optimiste ? L'avenir le dira.

 

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