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Post du forum : Groupe ECCE les maths (Nantes)

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Posté par thales le 28/05/2007 19:06

Qu’est-ce que chercher un problème de mathématiques pour un élève ? Quelle(s) place(s) et quel(s) rôle(s) y ont l’écriture, les outils, les destinataires ? Quels types d’écrits sont produits ? Telles sont les questions posées actuellement dans notre groupe avant un travail sur les narrations de recherche en mathématiques et les écrits de mathématiciens.

Cette année, nous avons proposé à des élèves de Terminale ou de L1 trois problèmes et trois questionnaires (cf. annexe 1) élaborés au sein du groupe. Nous avons décidé de préciser aux élèves que leurs productions seront analysées dans le cadre d’une étude sur la manière dont les élèves cherchent. Il ne s’agit pas de proposer des problèmes ouverts ou des narrations de recherche : nous avons demandé aux élèves de chercher les problèmes et de rendre à leur professeur le résultat de leur travail. En fin d’année, une séance de restitution est proposée à propos du premier problème : les élèves sont invités à prendre connaissance d’une copie d’élève, à l’analyser et exposer la méthode de résolution utilisée à la classe. L’échange de mathématiques entre élèves s’effectue  au cours de cette dernière phase.

L’analyse des copies d’élèves et des réponses au questionnaire 1 nous conduit à des résultats, que nous formulons partiellement ici. Seules les réponses au premier questionnaire sont prises en compte car, pour l’instant, les réponses aux deux autres, plus partielles, nous semblent plus difficiles à interpréter.

A. Chercher et écrire

Qu’est-ce que chercher un problème pour les élèves ? Pour la majorité des élèves chercher un problème, dans le contexte exposé précédemment, reste une activité d’une durée courte mais raisonnable (entre 1h et 2h 30 pour la moitié d’entre eux) qui apparaît le plus souvent comme une activité scolaire : un seul élève déclare avoir cherché 2 / 3 jours, ce qui signifie que le problème lui a « trotté » en tête. Pour la moitié des élèves, la recherche s’effectue en 2 / 3 reprises (2 reprises correspond à la fréquence la plus importante et à 50% des réponses, 3 trois reprises à 25% des réponses) ; cela leur permet d’ « avoir de nouvelles idées », de « laisser reposer » le problème, de « prendre du recul ». Cet intermède est souvent l’occasion pour les élèves de discuter du problème, le plus souvent avec leurs camarades. La moitié des élèves explorent une seule piste lors de la recherche du problème, les autres n’exploitent pas longtemps d’autres pistes, mais ils ne disent pas pourquoi ils les abandonnent. De rares élèves cherchent au-delà du problème proposé (pour un autre chemin dans le cas du cône).

Quel rôle joue l’écrit dans cette recherche ? A quoi sert le brouillon ? L’écriture est présente dès le début de la recherche pour quasi-totalité des élèves, d’abord au brouillon puis au « propre ». Mais plus de la moitié des élèves n’ont pas écrit au brouillon de choses qu’ils n’ont pas réussi ensuite à mettre au propre. Cela recoupe le fait qu’ils n’explorent pas, en général, des pistes différentes, ni des pistes au-delà que celles proposées dans le problème. Par ailleurs, malgré un encouragement de la part des enseignants, les élèves ne rendent pas en général leur brouillon qui semble demeurer un écrit privé. Enfin, beaucoup (la moitié) d’élèves expriment qu’ils ont eu des difficultés à transcrire certaines idées. Le fait que le brouillon soit ressemblant avec le propre nous oriente aussi peut-être vers cette difficulté. Le passage par le brouillon nous semble donc plus lié à une volonté de rendre un écrit lisible par l’enseignant qu’à une pratique de la recherche.


B. Chercher et concevoir

Quels outils utilisés lors de la recherche ? Lien avec l’idée d’expérimenter. D’après le questionnaire sur le problème du cône, la recherche d'un problème est associée pour les élèves à la réalisation de traces non-verbales de type dessin, schéma, figure, ainsi qu'au test de certains exemples. Mais les schémas et dessins se limitent le plus souvent à la visualisation de Pythagore ou de Thalès. Peu d’élèves ont utilisé pour ce problème des outils technologiques (calculatrices, …). Pour les élèves qui déclarent majoritairement –et cela est confirmé par l’étude des copies- que cela les a aidé, ces démarches relèvent moins de l’expérimentation dans la recherche que ou de l’heuristique. Notons qu’un élève a réalisé une maquette du cône, ce qui s’apparente probablement plus à une forme d’expérimentation.

Raisonner sur un cas particulier, ou un exemple numérique, peut-il fournir une démarche générale ? C’est parfois le cas, mais les élèves ne procèdent pas ainsi et la plupart du temps n’exploitent pas ce travail « préalable ». Pour le problème du cône, certains disent avoir essayé d’abord sur des exemples numériques, mais cela n’apparaît pas du tout dans leurs « démonstrations » ; d’autres se contentent d’un raisonnement sur un exemple numérique particulier, et croient pouvoir conclure ; d’autres à l’aide d’un logiciel présentent un tableau avec un nombre très important d’exemples numériques et ne vont pas plus loin. Pour le problème de la fonction, ils sont nombreux à traiter trois cas : la fonction définie sur [0 ; 1] par f(x) = x ; puis f telle que f(x) = a ; puis un schéma qu’ils pensent « général » (où la fonction est souvent monotone, ou bien dont l’ensemble image est [0 ; 1] ; puis ils concluent. Les élèves interrogés ne voient pas de rapport entre ce qu’ils appellent de façon courante « expérience » en physique ou en SVT, et ces essais qui pourraient être faits en mathématiques. Ils pensent d’ailleurs qu’en physique on a des formules que l’on applique dans les « applications numériques », ou que l’on vérifie dans des « expériences ». Autrement dit pour eux, l’expérience vient après, pour valider, ce qui est exact.

C. Chercher et justifier

Nous avons obtenu deux genres d’écrits, d’une part des explications et d’autre part des démonstrations [Hannah 1989, Mancosu et ali 2005]. Par démonstrations, il faut entendre ici des écrits stéréotypés ayant par leurs structures et leurs termes le statut de démonstration, c’est-à-dire similaires à ceux que les professeurs montrent aux élèves et que les élèves produisent dans le cadre scolaire habituel. Ces écrits ont pour destinataire le professeur, et les élèves, dans leurs fonctions d’élèves, s’adressent à lui dans son langage. Parfois, la forme et la structure de l’écrit semblent alors primer sur le contenu mathématique. L’obtention de textes à visée justificatrice peut être liée au contexte non entièrement scolaire et au destinataire particulier de l’écrit [Bakhtine 1984]. En effet, le destinataire de l’élève-individu était aussi une équipe inconnue de professeurs s’intéressant à la manière dont les élèves-individus cherchent. Parfois, la forme de l’écrit utilise alors le « je »

Quoi qu’il en soit, le contexte particulier de l’expérience a permis l’obtention de textes où la variabilité des genres a été plus importante que d’ordinaire. Cette variabilité dépend aussi fortement des problèmes posés. Du côté des écrits explicatifs, le problème 2 a donné lieu à des réécritures de l’énoncé par lesquelles l’élève vise à expliquer comment il a compris l’énoncé. Il a donné lieu à l’intrusion de mots qui ne sont pas directement connectés à ceux du problème, comme le mot « chance ». Dans le problème 1, nous trouvons aussi des termes non usuels liés à l’explication visuelle, comme « vue de profil », « vu de face », etc. Du côté des écrits démonstratifs, l’élève introduit des lettres ou des symboles qui produisent un effet mathématique, même si cela s’avère inefficace, voire même perturbant. Plusieurs élèves terminent leur démonstration en utilisant le mot « obligatoirement », ce qui indique qu’ils ont compris le caractère nécessaire de la démonstration même si rien d’obligatoire ne permet de conclure.

D. Chercher et apprendre

Les recherches de problèmes permettent de donner pleinement aux savoirs leurs statuts d’instruments de compréhension et de maîtrise de situations mathématiques ou mathématisables. Il est donc clair que l’adéquation ou l’inadéquation des savoirs des élèves aux problèmes est source de conflits et de difficultés. Nous avons trouvé des erreurs ou des difficultés récurrentes dans les nombreuses copies à notre disposition, que nous mentionnons ici. Dans le problème 1, il était demandé de « comparer » des chemins. Ce terme a deux sens usuels. Dans le premier sens, on cherche si deux choses sont ou non assimilables, donc en termes mathématiques si elles sont ou non égales. Dans le second sens, on cherche à établir un rapport ou une différence entre deux choses, donc en termes mathématiques si l’une dépasse l’autre et laquelle. Beaucoup d’élèves ont utilisé le premier sens. Le problème 2 a conduit certains d’élèves dans des considérations sur l’infini, qui indiquent, s’il en était besoin, les difficultés épistémologiques avec cette notion. Certains élèves proposent de « considérer l’infini comme un nombre » ou de « prouver que l’infini est un réel ». Les réponses au problème 3 montrent les difficultés liées à la notion de fonction. Les élèves assimilent une fonction à une courbe ou à une portion de courbe, la courbe représentative d’une fonction étant toujours représentée par une courbe continue, bien souvent monotone croissante.

Références

Bakhtine, M. (1984), Les genres du discours, in Esthétique de la création verbale, Gallimard, Paris.

Hanna, G. (1989). Proofs That Prove and Proofs That Explain. in G. Vergnaud, J. Rogalski, and M. Artigue (Eds.), Proceedings of the International Group for the Psychology of Mathematics Education, Paris, Vol II, pp. 45-51.

Mancosu, P., Jørgensen, K.F. and Pedersen, S.A. (Eds.). (2005). Visualization, Explanation and Reasoning Styles in Mathematics. Series : Synthese Library, Vol. 327. Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 6(2), 201-205.


Annexe 1

Problème 1 : le cône

Nous sommes une équipe de recherche composée d’enseignants de mathématiques et de chercheurs de l’Université de Nantes qui s’intéressent à la résolution de problème de mathématiques par les élèves et les étudiants. Pour nous aider, merci de bien vouloir chercher ce problème et de rendre à votre professeur le résultat de votre travail.

Vous avez 15 jours pour chercher ce premier problème. Au bout de cette période, votre professeur vous demandera de répondre par écrit à des questions sur la façon dont vous avez cherché. Il importe donc que vous vous souveniez des « grands » moments de la recherche de ce problème.

Nous vous proposerons ensuite, par l’intermédiaire de votre professeur, de résoudre deux autres problèmes dans les mêmes conditions.

Merci de votre participation et bon courage !

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On donne un cône dont le rayon de la base est 1 et la hauteur est h. Les points A et B, diamétralement opposés sur la base du cône, peuvent être reliés par trois types de chemins. Le premier contourne la base, le second monte vers le sommet S, tourne autour du cône à l’altitude x, et redescend vers B, le troisième passe par le sommet S. Quel est le plus court des chemins reliant A et B ?

(d’après les Olympiades de Mathématiques Nice)

 

 

Problème 2 : le dépassement

Voici le deuxième problème de la série. Comme pour le premier, vous avez 15 jours pour chercher. Au bout de cette période, votre professeur vous demandera de répondre par écrit à des questions sur la façon dont vous avez cherché. Il importe donc que vous vous souveniez des « grands » moments de la recherche de ce problème. Le troisième problème viendra ensuite.

Merci de votre participation et bon courage !

Pierre choisit un réel et le garde secret. Par ailleurs, Paul ajoute autant qu’il le veut des réels positifs de son choix. Etes-vous sûr que la somme obtenue par Paul finira par dépasser le nombre choisi par Pierre ?

Problème 3 : la fonction

Voici le dernier problème de la série. Comme pour les précédents, vous avez 15 jours pour chercher. Au bout de cette période, votre professeur vous demandera de répondre par écrit à des questions sur la façon dont vous avez cherché. Il importe donc que vous vous souveniez des « grands » moments de la recherche de ce problème.

Merci de votre participation et bon courage !

Soit f une fonction définie et continue sur [0;1] telle que pour tout x dans [0;1], 0 ≤ f (x) ≤ 1. Comment justifier qu’il existe a dans [0;1] tel que f (a)=a.

 

Questions sur la résolution du problème « Le cône »

Voici maintenant le questionnaire associé au problème « Le cône ». Merci d’y répondre aussi précisément que possible, sur une feuille, en précisant bien le numéro des questions. Si, pour certaines questions, vous ne pouvez pas répondre parce que vous ne vous souvenez pas de la façon dont vous avez procédez, indiquez le. Merci de votre contribution.

 

1. Combien de temps avez-vous consacré à la recherche de ce problème ?

2. Vous y êtes-vous pris à plusieurs reprises ? Combien ? Pourquoi ?

3. Est-ce que vous avez écrit quelque chose ? Au bout de combien de temps ?

4. Est-ce que vous en avez discuté avec d’autres personnes ? Qui ? Au bout de combien de temps ?

5. Avez-vous cherché de la documentation ? Laquelle (cours, manuel, livre, internet, autre) ? Où ? Au bout de combien de temps ? Pourquoi ?

6. Avez-vous testé un ou des exemples ?

7. Avez-vous fait des dessins ou des figures ou des schémas ? Si oui, précisez. Est-ce que cela vous a aidé ?

8. Avez-vous utilisé votre calculatrice ? Un logiciel de mathématiques et lequel ? Est-ce que cela vous a aidé ?

9. Vous souvenez-vous avoir déjà résolu ce genre de problème ? Est-ce que cela vous a aidé ? Comment ?

10. Avez-vous emprunté plusieurs pistes ? Au bout de combien de temps les avez-vous abandonnées ?

11. Avez-vous écrit au brouillon des choses que vous n’avez pas réussi à mettre au propre ?

12. Est-ce qu’il y a des idées que vous avez eu du mal à transcrire ?

13. Avez-vous pensé à ce problème sans le vouloir ?

14. Avez-vous tout de suite pensé à une réponse ?

15. Avez-vous testé différentes valeurs pour h ? D’emblée ou plus tard ? Lesquelles ?

16. Avez-vous commencé votre recherche avec un logiciel de mathématiques ?

17. Avez-vous cherché avec d’autres chemins que ceux proposés ?

 

 

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