Post du forum : Equipe Aplusix
Aller au niveau supérieurThème 2 : Equipe Aplusix
Comment s'articule la conception d'un outil technologique avec ses usages ? |
En 2002, le projet Aplusix s'est orienté vers la conception et le développement d’un logiciel utilisable dans des classes pour l'apprentissage de l'algèbre. Il s'est inscrit dans une politique de diffusion de commercialisation. Pour cela sa conception s'est appuyée sur une collaboration étroite entre les développeurs, qui sont des chercheurs en informatique, et des chercheurs en didactique des mathématiques dont la recherche porte sur les EIAH ; elle s’est faite aussi en interaction avec des enseignants qui ont utilisé le logiciel dans leurs classes.
Interactions entre didacticiens et informaticiens :
Cette interaction a été faite à trois niveaux de la conception du logiciel.
- Premier niveau : les didacticiens participent à la conception avec un regard didactique, c'est ce qui a été fait dans le cadre du développement d'une carte d'exercices (voir à ce propos : Bouhineau et al., 2005).
- Deuxième niveau : les didacticiens ne participent pas à la conception du logiciel mais les choix de développements de certains aspects sont pris en amont par des informaticiens en concertation avec les didacticiens, ce qui a été le cas pour le choix de certains types de paramètres. Un autre exemple est celui de développement d'un nouveau type de représentation des expressions algébriques sous forme d'arbre. Ce développement est réalisé dans le cadre d'un projet européen où les didacticiens ont été associés pour définir certains choix de conception de ce nouveau mode de représentation.
- Troisième niveau : les didacticiens sont en position d'utilisateurs et font des retours aux concepteurs. Dans ce niveau, les didacticiens étudient et analysent le logiciel comme objet d'étude didactique en vue de son intégration dans l'enseignement comme élément de situations d'apprentissage. Par exemple, des fonctionnalités ont été développées spécifiquement pour la conduite de certaines expérimentations et qui ont montré leur intérêt pour leur usage dans la classe. Cela a été était le cas de l'éditeur d'exercice, du magnétoscope et des commentaires. Ainsi, le magnétoscope a été utilisé par les didacticiens pour analyser les productions des élèves, ensuite il a été intégré dans le logiciel comme outil de visualisation par le professeur ou l'élève. Actuellement, dans le cadre d'un travail de conception de séquences d'apprentissage par des didacticiens, il est envisagé d'utiliser le magnétoscope pour de nouvelles fonctionnalités (outil pour illustrer la résolution d'un exercice avec des commentaires). Cela amène à modifier l'outil au niveau de la conception pour l'adapter à cette nouvelle fonctionnalité.
Interactions entre enseignants et informaticiens :
Les enseignants qui utilisent Aplusix dans le cadre des expérimentations ou dans le cadre du fonctionnement habituel de la classe, font des retours sur le logiciel, soit en proposant des modifications des fonctionnalités existantes, soit en demandant des nouvelles fonctionnalités. Par exemple, développement d'un compagnon qui conseille l’élève qui bloque sur un exercice, ou pouvoir accéder à des rappels de règles…
Enfin, soulignons que les principaux choix sont faits en amont des usages dans des classes. Ils sont pris par rapport à des hypothèses ou des principes sur l'usage du logiciel pour l'apprentissage de l'algèbre. On trouve par exemple le principe de "manipulation directe" qui permet aux élèves de manipuler les expressions algébriques sans passer par des commandes, ou le principe de "micromonde" qui permet aux élèves de construire et manipuler librement des expressions algébriques. L'exemple cité plus haut sur l'introduction d'un autre mode de représentation des expressions algébriques sous forme d'arbre répond à une hypothèse d'apprentissage selon laquelle il est important de manipuler un concept dans différents registres de représentation.
Quels impacts de l'usage d'outils technologiques sur le système didactique ? |
Les différents retours reçus de la part des enseignants nous permettent d'apporter des éléments de réflexions suivants.
- Pôle "élève" :
La présence des rétroactions du logiciel sur la validité du travail de l'élève a été un facteur de motivation des élèves en difficulté à faire des exercices. Les élèves font des essais et ne restent pas bloqués.
- Pôle "enseignant" :
Les enseignants ont souligné des apports du logiciel quant à leurs pratiques. En particulier, la présence d'une carte d'exercices leur permet d'organiser plus facilement les modules d'aide individualisée en choisissant pour chaque élève, la famille d'exercices la mieux adaptée. Ceci a facilité le travail de la différentiation qui est souvent difficile à mettre en place.
Soulignons que les enseignants disposent d'un outil "Editeur d'exercices" qui leur permet de construire des exercices et des problèmes. Mais le constat est que les enseignants ne l'utilisent pas et préfèrent le recours à la carte d'exercices qui propose des activités prêtes à l'emploi. Deux raisons peuvent expliquer ce comportement : la première est que les enseignants préfèrent des situations clés en main, la deuxième est du côté de la difficulté que peuvent avoir les enseignants à utiliser l'éditeur. Pour cela, cette année, nous nous sommes intéressés à étudier comment les enseignants peuvent utiliser l'éditeur d'exercices. Ce travail est en cours d'analyse.
- Axe "élève – enseignant"
Les élèves sollicitent moins le professeur lorsqu’ils travaillent sur Aplusix. Ils sont autonomes dans la résolution des problèmes. Les élèves avancent à leur rythme et l'enseignant est plus disponible pour travailler avec des élèves en difficulté.
- Axe "élève – savoir"
Les différentes expérimentations montrent l'impact de l'outil sur les apprentissages de l'élève en algèbre. Un autre point important est lié à ce que les contraintes de l'interface obligent une rigueur dans la résolution des élèves, car le système ne peut accepter que des expressions égales ou des équations équivalentes. Par exemple, pour la résolution des systèmes de deux équations linéaires à deux inconnues, les élèves de la classe de seconde ne travaillent pas, dans l'environnement papier-crayon, en réécriture du système en conservant les équivalences surtout lorsqu'ils utilisent la technique de substitution. Pour étudier l’impact d’Aplusix sur la résolution des systèmes par équivalences, nous avons suivi trois classes de seconde. Les élèves ont travaillé sur les systèmes d’équations avec Aplusix en mode de vérification permanente. Au début, la majorité des élèves n’ont pas résolu par équivalence. Mais la sanction du milieu les a obligés à travailler par équivalence.
Nous avons analysé les copies de ces élèves dans des devoirs surveillés sur les systèmes afin de mesurer le transfert vers le milieu papier-crayon. Le résultat est que 95% des élèves travaillent par équivalences avec un taux de réussite de 70%.
- Axe "enseignant – savoir"
Sur cet axe, on peut apporter un témoignage sur l'impact du logiciel sur le rapport des enseignants à la notion d'équivalence entre les équations (ou inéquations ou systèmes). Plusieurs enseignants nous ont fait part de la présence d'un "bogue" dans le logiciel suite à des situations où ils ne savaient quoi répondre à des élèves qui leur montrent que pour Aplusix les équations x²=-2 et x²=-5 sont équivalentes. C'est suite à des échanges avec eux sur la notion d'équivalence entre les équations, qu'ils acceptent cette équivalence.
Cette année nous avons introduit, en formation initiale des enseignants, une réflexion sur la notion d'équivalence des équations à l'occasion d'un module sur Aplusix.
Bouhineau D., Bronner A., Chaachoua H., Nicaud J.F. (2005) Informaticiens et
didacticiens peuvent-ils travailler ensemble ? Actes de la conférence EIAH 2005.