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Réponse de Pierre Arnoux

Dernière modification 04/06/2008 22:08

Pierre Arnoux est enseignant-chercheur, Institut Mathématique de Luminy, Université d'Aix-Marseille II, membre de la commission enseignement de la SMF

Une question "irrelevante"...


"Un socle minimum pour la licence de Maths permettrait-il de conserver le sens des mathématiques enseignées et son appropriation par les étudiants ?"

Remarque préliminaire: ce texte donne mon avis personnel, et n'engage en rien la SMF et sa commission enseignement.

La question n'est pas pertinente. Irrelevant, diraient les anglais.
Premièrement, un socle minimum ne peut ni empêcher, ni permettre de conserver le sens des mathématiques: il répond à d'autres questions. Transmettre un sens et s'assurer de son appropriation par les étudiants est une question pédagogique et didactique; le socle s'attaque à des questions d'organisation des enseignements, qui ne sont pas de nature didactique. Son but est de lutter contre la dispersion croissante des programmes et des organisations des licences de mathématiques, qui est apparue  à la suite d'une enquête  engagée par les sociétés de mathématiques.

Les participants ont pensé qu'il était du rôle des sociétés de mathématiques d'initier une réflexion collective sur ce que devraient contenir ces licences; cette réflexion est particulièrement nécessaire à un moment où l'autonomie des universités augmente, et où il n'y a plus de cadre national pour confronter les diverses pratiques. Le texte qui en résulte n'a, par nature, aucune force contraignante, et n'oblige personne. Il n'aura donc d'effet que s'il est lu et approuvé; c'est pourquoi nous l'avons voulu consensuel et court (on sait bien que le public d'un tel texte diminue exponentiellement en fonction de sa longueur).

Le socle fixe un  cadre horaire très peu contraignant (au moins une moitié de l'horaire en mathématiques, sans limite supérieure explicite), car la discussion a montré que des limites précises dans un sens ou dans l'autre se heurteraient à des cas particuliers où ces limites seraient franchies pour de bonnes raisons. Il liste des contenus qui doivent être enseignés en licence de mathématiques, en algèbre, analyse, probabilité, statistiques et géométrie. Cette liste a été volontairement gardée succincte: un point ne pouvait apparaître que s'il recueillait un accord quasi-unanime, et on a essayé dans toute la mesure du possible de mettre les contenus que plusieurs participants considéraient essentiels. Par nature, une telle liste ne peut être exhaustive (plusieurs points que je trouve importants ne sont pas sur la liste, faute d'accord général, mais je demanderais qu'ils soient au programme d'une licence à laquelle je participerais). Elle n'est EN RIEN un programme, mais plutôt un "pense-bête" pour les concepteurs de maquettes, pour assurer un minimum de connaissance communes sur lesquelles puisse compter les enseignants de master, et pour assurer que les étudiants puissent aborder la préparation des concours de recrutement. Elle n'a aucun pouvoir légal, et n'aura d'effet que si les départements de mathématiques considèrent qu'elle représente effectivement le minimum vital pour un étudiant de mathématiques.  Un autre point, probablement plus important, est la demande d'éviter le morcellement des unités d'enseignement: plusieurs universités proposent aux étudiants de première année 8, voir 10 enseignants de mathématiques différents, chacun pour un volume de 20 à 40 heures. Cette organisation est déraisonnable, et j'aimerais beaucoup voir EducMath engager une réflexion sur ce thème (j'ai d'ailleurs proposé un débat semblable sur les spécialités de terminale).

Nous avons volontairement évité complètement de nous engager sur le terrain pédagogique, parce qu'un accord sur le sujet ne nous paraissait ni possible, ni même souhaitable.

Deuxièmement, je n'ai jamais vu un enseignant se vanter de donner un enseignement mathématique dépourvu de sens, et se réjouir de ce que les étudiants ne se l'approprient pas. Tous les enseignants souhaitent que leurs étudiants saisissent le sens de ce qui est enseigné, et l'assimilent. De même, tous les citoyens souhaitent le bien, le vrai et le juste. Le problème commence quand on essaie d'aller au-delà des mots; on s'aperçoit vite que chaque enseignant met derrière ces mots des sens très différents. Il est probable que plusieurs de ces sens sont valables, et il est bon que des pratiques pédagogiques diverses co-existent. Mais comment un socle de 4 pages pourrait-il permettre de résoudre une question complexe qui n'est même pas réellement définie? Nous n'avons jamais eu ce manque de modestie...

P.S. Les vrais problèmes, bien sûr, ne sont pas là. Ils sont d'abord dans la chute rapide du nombre d'étudiants, qui va condamner à brève échéance une partie des départements de sciences des universités. Il sont ensuite dans leur forte démotivation, et son corollaire, une quantité de travail personnel estimée à environ 2 à 4 heures par semaine. Ils sont dans les conséquences, et en particulier le niveau très bas d'une partie des étudiants que nous formons. Il est malheureusement probable que nous n'avons pas les moyens de changer cet état des choses, qui a des causes essentiellement économiques.

 

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