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Réponse de P. Arnoux

Dernière modification 06/06/2006 20:45

Université Aix-Marseille II, commission enseignement de la SMF

Photo de Pierre Arnoux

Quelques remarques sur le Rapport d'information sur les disciplines scientifiques dans le primaire et le secondaire.

Ces remarques sont largement inspirées par des messages de Daniel Duverney.

Des points positifs

C'est tout d'abord une excellente chose en soi que les députés reconnaissent qu'il y a un problème actuel de l'enseignement scientifique, et qu'ils se penchent sur la question.
Un survol rapide de ce texte donne une impression positive: on y pose de nombreuses questions importantes, et le rapport fait des propositions qui ont été suggérées depuis plusieurs années par diverses associations: par exemple, établir une option de sciences en seconde, instaurer une véritable filière scientifique en allégeant le travail dans les matières non scientifiques, réformer la formation des enseignants en instaurant un pré-recrutement...
En particulier, et c'est important, la commission appuie fortement, et à plusieurs reprises,  sur le problème du faible nombre de femmes dans les filières scientifiques (sans cependant proposer de solutions concrètes; on notera cependant l'intervention de V. Chauveau, rappelant que la suppression des écoles normales supérieurs de jeunes filles, qui jouaient en quelque sorte un rôle de discimination positive à la française, a brutalement dégradé la situation à l'époque).

Plusieurs défauts

Une lecture plus attentive donne une impression bien différente: celle d'une compilation assez hâtive de divers rapports (essentiellement ceux dont je parle dans mon texte sur ce site), sans réel travail d'analyse critique; on y trouve donc tout et son contraire. Mais quelques thèmes très idéologiques traversent ce texte, sans être appuyés sur des faits; on citera:
- l'importance du côté expérimental et de l'observation des données ;
- le désenchantement vis-à-vis de la science ;
- l'influence désastreuse des mathématiques, discipline abstraite servant à la sélection ;
- la mauvaise qualité des enseignants ;
- des comparaisons internationales peu fondées.

Revenons un peu sur ces thèmes

Le côté expérimental :  "les élèves préféreraient passer des heures à manipuler plutôt qu'à faire des calculs de puissance", "l'enseignement devrait être beaucoup plus ludique", "pas de questionnement, pas d'expérimentation, mais l'assimilation douloureuse d'un programme".  La solution est donc toute trouvée: il faut généraliser "la main à la pâte", mettre de l'expérimental partout, et tout ira bien. On pourrait ne pas se douter que cette idée est appliquée avec constance depuis 10 ans, et que c'est elle qui a conduit à la situation actuelle !
Il est d'ailleurs toujours étonnant de voir à quel point les partisans d'une méthode résolument expérimentale et appuyée sur l'observation refusent de regarder les faits; et par exemple le fait qu'entre 1985 et 1995, un enseignement "abstrait" et "dogmatique"  a fait passer de 10% à 19% d'une classe d'âge la part du bac scientifique, et qu'à partir de 1995, les nouveaux programmes ont entraîné un recul à 16%, et formé des étudiants qui se détournent des filières scientifiques en bien plus grand nombre.
Le désenchantement vis-à-vis de la science : aucune enquête sérieuse en France ne conforte cette idée. Au contraire, les enquête de Bernard Convert montrent que les élèves de terminale S ont de la science une image très positive (bien plus positive que la mienne!); la plupart d'entre eux pensent seulement que les carrières scientifiques sont très difficiles à obtenir, ce qui montre qu'ils ont du bon sens.
Est-il vraiment nécessaire de mener une enquête auprès de 10 000 élèves pour découvrir que les enfants (et moi aussi!) préfèrent des thèmes tels que les dinosaures, les tremblements de terre et les volcans plutôt que la transformation des denrées alimentaires, les détergents et le savon? Et que peut-on en déduire ? On cite toujours les mêmes exemples ; pour un peu, on penserait que Frankenstein est une invention du 21ème siècle! Pourtant,  Stevenson, Verne et Wells mettent dans leurs romans bien plus de savants fous que Crichton, et on ne les soupçonnait pas de démoraliser les étudiants.
Il faudrait d'ailleurs expliquer pourquoi ce désenchantement se manifeste précisément en 1995, faisant immédiatement suite à un engouement profond dans les dix années précédentes.
L'influence des mathématiques :  et pourtant, comme c'est bien précisé dans le rapport, la chute du nombre d'étudiant est contemporaine du passage de 9 à 5,5 heures en terminale. Comme le note assez naïvement le rapport: "le résultat n'est pas ce qui était attendu"; on croirait lire une notice de surgelés : "nous déconseillons ce mode de préparation, qui ne donne pas les résultats espérés"... Mais aucune conclusion réelle n'est tirée de ces faits. Ce n'est pas facile d'observer une réalité concrète, quand elle rentre en conflit avec des préjugés.
La mauvaise qualité des enseignants :  c'est une antienne du rapport: "les enseignants généralement mal formés, et qui souvent n'ont pas étudié et apprécié ces matières lorsqu'ils étaient sur les bancs de l'école", "cette profession a cessé d'attirer les plus doués", "tout le monde déplore des carences graves dans la formation initiale" "on peut être agrégé de mathématiques sans savoir conduire une expérience" , "aujourd'hui le bon professeur est celui qui n'entend que les questions auxquelles il peut répondre":  est-il surprenant dans ces conditions de constater "une dévalorisation du métier et un déficit d'image sociale", si c'est l'image que l'on répand des enseignants?
Des comparaisons internationales peu fondées : il est bien sûr intéressant de se renseigner dans d'autres pays, mais est-il vraiment significatif de comparer à la France des pays comme le Québec et la Finlande, dont la population est environ 10 fois plus petite?

Une impression finale mitigée.

On retiendra donc de ce rapport un certain nombre de proposition intéressantes, et un début de prise de conscience du problème; mais pas une analyse sérieuse, ce rapport étant trop peu basé sur les faits, et souvent contradictoire.
On retiendra aussi la forte insistance sur la pluridisciplinarité et l'expérimentation, idée très séduisante en théorie, mais sur la mise en oeuvre de laquelle je suis plus que réservé.


   Question de Luc Trouche
   Réponse de Gérard Kuntz
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