Déclaration de l'ARDM
A propos du projet de programme de mathématiques pour l’école primaire
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A. R. D. M. Association pour la |
Courrier à adresser à : Annie BESSOT, secrétaire de l’ARDM |
Le ministre de l’Éducation Nationale a présenté le 20 février 2008 un projet de nouveaux programmes de l’école primaire soumis à consultation. Le choix est fait d’un texte court, écrit dans un langage compréhensible par les non spécialistes, afin que la société et les parents puissent aisément prendre connaissance de ce qui est enseigné à l’école élémentaire et se rendre compte des enjeux de l’école. Dans cette perspective, cette décision peut se comprendre. Cependant un travail d’interprétation des dits programmes est nécessaire pour les traduire en termes d'activités dans les classes, ce à quoi s'emploient les formations initiale et continue des enseignants. Ces formations ne peuvent faire l’économie de textes conséquents dans un domaine complexe, celui de l’humain, où la simplicité n’a malheureusement pas sa place. De ce point de vue, les documents d’accompagnement des programmes de 2002 « apportant un éclairage spécifique sur quelques thèmes sensibles » (ainsi que le précise le texte d’introduction de ces commentaires) représentaient un outil de formation et une aide utiles aux enseignants ; il serait regrettable qu’ils disparaissent avec les programmes antérieurs.
La philosophie qui semble présider au projet de programmes tend à opposer algorithmes et sens des opérations, considérant la résolution de problèmes comme terrain d’application des algorithmes. Les études menées en didactique des mathématiques ont permis de montrer qu’au lieu de faire précéder l’apprentissage des uns par celui des autres, il était au contraire nécessaire de veiller à l’articulation des uns aux autres, sans les disjoindre. Le sens des opérations se construit pour les élèves en même temps que les techniques se perfectionnent par la fréquentation de tâches problématiques qui pose la question des techniques permettant de les résoudre. L’étude des algorithmes usuels apparaît alors comme une nécessité qui mérite de s’engager dans l’effort et l’entraînement répétitif.
Trente années de recherche en didactique ont montré que non seulement la résolution de problèmes, mais aussi l’apprentissage de savoirs mathématiques et l’acquisition des algorithmes opératoires sont des éléments essentiels dont aucun ne doit être négligé. Il est regrettable de voir que, dans le projet, les résultats de ces recherches soient ignorés, tout comme ceux qui établissent la possibilité d’enseignements plus performants pour la proportionnalité, ou pour les techniques opératoires sur lesquelles le programme met l’accent.
La consultation annoncée, forcément de courte durée puisqu’il est prévu que le programme s’applique dès la rentrée 2008, risque fort de ne pas pouvoir corriger cette tendance. C’est un choix politique, de même que l’est celui de modifier de manière très fréquente et dans des sens contraires les programmes : de tels effets de balanciers peuvent avoir des conséquences désastreuses chez des enseignants polyvalents qui, de ce fait, ne sont pas spécialistes des disciplines.
Il faut encore souligner que, dans le cadre de la mise en place du socle commun, le programme laisse croire que l’on pourrait évaluer aisément les compétences des élèves (comme cela est prévu au CE1 et au CM2) au même titre qu’on peut évaluer leur connaissance de certains savoirs parmi les plus facilement algorithmisables, comme les techniques opératoires. Dans ce domaine encore, le « bon sens » qui paraît guider ici les rédacteurs du programme, élude des questions qui sont loin d’être résolues, et tend vers le simplisme. Sur ce point encore, de telles orientations peuvent conduire vers des conséquences désastreuses pour le système éducatif. En particulier, on sait bien que la logique de pilotage par l’évaluation risque de conduire à l’élimination précoce du système scolaire des élèves auxquels l’école est la moins adaptée, notamment beaucoup d’élèves issus des milieux modestes.
Plutôt qu’une réforme de plus qui, voulant à juste titre répondre à une légitime attente sociale, risque de mettre en danger l’école pour de longues années, le vrai changement politique ne consisterait-il pas à soutenir l’idée que les difficultés que traverse le monde éducatif actuellement ne peuvent se contenter de réponses simplistes et tournées vers le passé. L’école et les enseignants ont besoin avant tout de retrouver la confiance des politiques et des parents. Il faut asseoir cette confiance sur une réflexion collective, distanciée de critiques trop faciles. La recherche en didactique des mathématiques que l’ARDM, avec plusieurs partenaires, vise à promouvoir, n’a pas la prétention d’apporter des réponses toute faites, mais, au moins, offre-telle un cadre pour penser l’enseignement des mathématiques du XXIème siècle, sans rejeter le passé, mais en prenant en compte les acquis et les nouvelles contraintes que la société moderne impose à l’école comme à de nombreuses autres institutions.
Paris, le 4 mars 2008. Le comité de l’ARDM.