Post du forum : Re: Proposition de questions pour le thème 3 : « Production de ressources / Documents pour enseignants »
Aller au niveau supérieurEquipe Ampères : "Apprentissages Mathématiques et Parcours d'Études et de Recherches pour l'Enseignement Secondaire"
Titre du projet de recherche : "Dynamiser l'étude des mathématiques dans l'enseignement secondaire (collège et lycée) par la mise en place de séquences d'enseignement organisées autour d'AER (activités d'étude et de recherche) et de PER (parcours d'étude et de recherche).
Il y a urgence à redonner du sens aux mathématiques que l'on enseigne dans le second degré, en Collège ou en Lycée !
Nécrose des objets enseignés !
Certains contenus de programme se retrouvent dans le curriculum actuel parce que cela est dans la tradition, dans l'héritage scolaire… et ainsi va-t-il de soi qu'il est juste et bon de les enseigner. Or les questions que ces contenus scolaires contribuaient à résoudre sont souvent perdues de vue. La place importante accordée à l'étude du triangle au Collège en est un exemple typique : qui, y compris parmi les professeurs de mathématiques, peut encore donner les raisons qui justifient d’attacher tant d’importance à la géométrie du triangle dans le secondaire ? Difficile dans ces conditions de motiver, de dynamiser l'étude de notre discipline, et d’attendre des élèves qu’ils y trouvent du sens ! Une part importante de notre travail consiste à bâtir des séquences d'enseignement fondées et motivées par des questions problématiques ayant un fort pouvoir générateur d'études et de recherches. Ainsi « Comment représenter un programme de calcul ? Deux programmes de calcul donnent-ils toujours le même résultat ? Un programme de calcul peut-il produire telle valeur, et si oui pour quelles valeurs de la variable ? » sont des questions motivant le calcul littéral, et justifiant l'étude des transformations des expressions algébriques. « Comment déterminer une longueur, une distance, une aire, un volume ? » sont des questions déterminant un parcours d'étude et de recherche depuis la sixième jusqu'à la terminale.
Cette orientation de notre recherche s'actualise dans la production, l'expérimentation effective d'AER et de PER. Voici quelques exemples de thèmes ainsi traités : le calcul littéral et les débuts de l'algèbre au Collège, les triangles isométriques en 5e, les triangles semblables en 4e, le cercle circonscrit à un triangle en 5e, la géométrie dans l'espace en 2de, le produit scalaire et le barycentre en 1re S, l'exponentielle et les équations différentielles en TS, la statistique au Collège, etc.
Former des esprits libres et éclairés !
C'est une injonction paradoxale, exigeante et fondamentale qui est ainsi faite aux enseignants. Sans imposer leurs points de vue, leurs façons de penser, les réponses à une question, les maîtres doivent cependant faire adhérer les élèves à des manières de pensée déjà là , car données par héritage culturel, même si celui-ci peut être remodelé par l'ajout de nouveaux instruments, comme les calculatrices, ou la venue de savoirs nouveaux à enseigner dans les programmes (statistique inférentielle, graphes). Cette injonction comporte en elle l’exigence de conduire l'élève à accepter en raison une façon de pensée, et non par soumission ; cette exigence étant au cÅ“ur d'un enseignement qui se veut républicain et laïque !
Mais alors, une question problématique à fort pouvoir générateur d'étude étant posée, comment en négocier l'étude dans la classe sans que le professeur en impose des solutions !
Une première piste pour répondre à cette question consiste à "dédidactifier" la situation, c'est-à -dire à faire en sorte que la question soumise à l'étude puisse l'être à partir d'un problème présentant des caractéristiques comme les suivantes :
- les élèves peuvent, en recourant seulement à leur répertoire de connaissances, en élaborer une solution
- ils peuvent faire plusieurs essais et vérifier la justesse de leurs réponses.
On peut pointer ici une question vive, un problème didactique qui fait l'objet de débats parfois vifs, mais courtois, au sein de notre équipe de recherche : comment articuler questions à fort pouvoir générateur d'études et de recherches et conditions de dédidactification ? Si une question est à fort pouvoir générateur d'études, alors les élèves n'ont pas nécessairement dans leur répertoire de connaissances les éléments permettant l'élaboration d'une réponse ! Il apparaît cependant qu'un critère pour qu'un élève puisse juger en raison, et non par soumission, de la pertinence d'une réponse, est à rechercher dans le fait qu'il en connaisse la question associée ! Condition qui est bien loin d'être satisfaite dans l'enseignement par "activités" actuel. Restaurer des questions nous paraît être un travail fondamental pour redonner du sens aux mathématiques enseignées et faire ainsi que celles-ci "éclairent" les élèves mais aussi, dirons nous, les enseignants! Précisons néanmoins que les questions à dévoluer aux élèves ne sont pas forcément celles qui ont historiquement donné naissance au savoir mathématique à enseigner, car on sait que pour être enseigné, le savoir doit être didactiquement transposé.
Quelques éléments de réponses aux questions posées pour initier le forum du thème 3
Q1. A quels besoins professionnels enseignants éventuellement non satisfaits répond la
production de ces ressources et documents ?
Il nous apparaît que la culture professorale actuelle n'est pas satisfaisante pour penser un enseignement des mathématiques dynamique et fonctionnel. C'est un problème de la profession, et il convient d'armer les enseignants à l’aide de nouveaux outils leur permettant de penser différemment leur métier : ne plus se centrer sur des objets mathématiques et leurs propriétés, mais savoir motiver l'étude par des questions problématiques et l'élaboration de réponses à ces questions. Il y a là une véritable révolution épistémologique à réaliser. Les théories didactiques, théorie des situations et théorie anthropologique, donnent des outils pour ce faire. Nous les avons utilisées dans notre recherche avec succès, même s’il reste bien des difficultés à surmonter, comme, par exemple, celle de la maîtrise d'une dialectique des médias et des milieux pour assurer la résolution du paradoxe cité ci-dessus.
Q2. Comment faire pour que ces productions soient effectivement utilisées par les
enseignants ?
Changer la culture professorale courante est bien sûr un vaste programme, bien ambitieux. Il est pour cela nécessaire d'expliciter ce que la profession a à gagner à ce changement, de donner des outils de pensée aux professeurs pour qu'ils puissent concevoir des AER et PER, d'exemplifier en quoi l'usage de tels outils contribue à redonner du sens à l'étude de notre discipline. Il nous semble qu'un des moyens pour y contribuer est d'envisager des publications "grand public". Le réseau de diffusion des travaux didactiques est aujourd'hui trop confidentiel. L'équipe "Ampères" envisage une publication des ses travaux, bien sûr sur le site Educmath si cela est possible, mais aussi chez un grand éditeur comme Hatier. Saurons-nous relever ce défi ? Les journées que nous devons tenir à Toulouse les 1er et 2 juin devraient nous permettre de nous situer par rapport à cet objectif. En tout cas, c'est ce défi que nous devons essayer de relever en 2007 - 2008.