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Post du forum : Proposition de questions pour le thème 3 : « Production de ressources / Documents pour enseignants »

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Posté par trgalova le 10/05/2007 11:05 (3 réponses)

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Préambule

Dans ce thème sont regroupées les équipes dont le travail porte sur la production de ressources pour les enseignants. Aussi bien les niveaux du cursus scolaire auxquels ces ressources s’adressent que les supports choisis pour leur diffusion peuvent être différents. Certaines de ces productions sont devenues des références utiles aux enseignants, d’autres n’en sont encore qu’au stade de la conception. Au-delà de leurs différences, toutes semblent néanmoins vouloir répondre à des besoins, identifiés ou non par le milieu enseignant, mais qui apparaissent non satisfaits par les outils traditionnellement mis à la disposition des enseignants de mathématiques : manuels pour les élèves, livres du professeur, ouvrages sur l’enseignement des mathématiques, revues pédagogiques et didactiques, outils s’appuyant sur les TICE, etc.

C’est pourquoi nous avons souhaité questionner ce qui fonde la démarche consistant à concevoir et diffuser des outils originaux, souvent non disponibles pour l’ordinaire de l’exercice de la profession enseignante : y a-t-il un manque que ces productions d’équipes pourraient éventuellement combler ? Et si oui, qu’est-ce qui fait leur originalité didactique, sur quels fondements reposent-elles ?

Nous proposons de partager la discussion en s’appuyant sur deux questions qui renvoient à la fois aux spécificités des productions citées, à leur originalité du point de vue de leur conception, et aux réponses qu’elles ont choisi d’apporter à la question de leurs diffusion et réception par le milieu enseignant. Les réponses des équipes peuvent varier en fonction de l’avancement des projets de recherche, ou de leur spécificité. Elles peuvent inclure des considérations théoriques, méthodologiques, susceptibles d’apporter des éclaircissements. Sans nier les différences, on tentera néanmoins de dégager les points de convergence entre les différents projets.


Questions proposées

A quels besoins professionnels enseignants éventuellement non satisfaits répond la production de ces ressources et documents ?

Quel constat tire-t-on sur l’état actuel de la professionnalité enseignante en mathématiques ? Quels sont les médias existants pour les enseignants en mathématiques et quel usage en font-ils ? A quels besoins professionnels répondent-ils et quels sont les besoins professionnels qu’ils ne satisfont pas ? Quels sont alors les besoins auxquels sont sensées répondre les productions des équipes du thème 3 ? Sur quelles bases théoriques s’appuient-ils ? Sur quelles méthodologies ? Que peut-on en attendre ?


Comment faire pour que ces productions soient effectivement utilisées par les enseignants ?

Des études ont montré que les manuels des élèves constituent les principales ressources sur lesquelles s’appuient les enseignants pour concevoir leur enseignement. Les ouvrages destinés aux professeurs, les ouvrages rendant compte des recherches menées sur l’enseignement des mathématiques et les développements qu’elles peuvent engendrer dans les classes diffusent peu. Comment pallier cette difficulté ? Quelles dérives envisager lors de la mise à disposition des documents et ressources élaborés par les équipes du thème 3 ? Comment y faire face et les anticiper ?

 

Contact : Yves Matheron

Re: Proposition de questions pour le thème 3 : « Production de ressources / Documents pour enseignants »

Posté par noirfalise le 23/05/2007 09:04

Equipe Ampères : "Apprentissages Mathématiques et Parcours d'Études et de Recherches pour l'Enseignement Secondaire"

 

Titre du projet de recherche : "Dynamiser l'étude des mathématiques dans l'enseignement secondaire (collège  et lycée) par la mise en place de séquences d'enseignement organisées autour d'AER (activités d'étude et de recherche) et de PER (parcours d'étude et de recherche).

 

 

Il y a urgence à redonner du sens aux mathématiques que l'on enseigne  dans le second degré, en Collège ou en Lycée !

 

 

 

Nécrose des objets enseignés !

Certains contenus de programme se retrouvent dans le curriculum actuel parce que cela est dans la tradition, dans l'héritage scolaire… et ainsi va-t-il de soi qu'il est juste et bon de les enseigner. Or les questions que ces contenus scolaires contribuaient à résoudre sont souvent perdues de vue. La place importante accordée à l'étude du triangle au Collège en est un exemple typique : qui, y compris parmi les professeurs de mathématiques, peut encore donner les raisons qui justifient d’attacher tant d’importance à la géométrie du triangle dans le secondaire ? Difficile dans ces conditions de motiver, de dynamiser l'étude de notre discipline, et d’attendre des élèves qu’ils y trouvent du sens ! Une part importante de notre travail consiste à bâtir des séquences d'enseignement fondées et motivées par des questions problématiques ayant un fort pouvoir générateur d'études et de recherches. Ainsi « Comment représenter un programme de calcul ? Deux programmes de calcul donnent-ils toujours le même résultat ? Un programme de calcul peut-il produire telle valeur, et si oui pour quelles valeurs de la variable ? » sont des questions motivant le calcul littéral, et justifiant l'étude des transformations des expressions algébriques. « Comment déterminer une longueur, une distance, une aire, un volume ? » sont des questions déterminant un parcours d'étude et de recherche depuis la sixième jusqu'à la terminale.

Cette orientation de notre recherche s'actualise dans la production, l'expérimentation effective d'AER et de PER. Voici quelques exemples de thèmes ainsi traités : le calcul littéral et les débuts de l'algèbre au Collège, les triangles isométriques en 5e, les triangles semblables en 4e, le cercle circonscrit à un triangle en 5e, la géométrie dans l'espace en 2de, le produit scalaire et le barycentre en 1re S, l'exponentielle et les équations différentielles en TS, la statistique au Collège, etc.

 

Former des esprits libres et éclairés !

C'est une injonction paradoxale, exigeante et fondamentale qui est ainsi faite aux enseignants. Sans imposer leurs points de vue, leurs façons de penser, les réponses à une question, les maîtres doivent cependant faire adhérer les élèves à des manières de pensée déjà là, car données par héritage culturel, même si celui-ci peut être remodelé par l'ajout de nouveaux instruments, comme les calculatrices, ou la venue de savoirs nouveaux à enseigner dans les programmes (statistique inférentielle, graphes). Cette injonction comporte en elle l’exigence de conduire l'élève à accepter en raison une façon de pensée, et non par soumission ; cette exigence étant au cÅ“ur d'un enseignement qui se veut républicain et laïque !

Mais alors, une question problématique à fort pouvoir générateur d'étude étant posée, comment en négocier l'étude dans la classe sans que le professeur en impose des solutions !

Une première piste pour répondre à cette question consiste à "dédidactifier" la situation, c'est-à-dire à faire en sorte que la question soumise à l'étude puisse l'être à partir d'un problème présentant des caractéristiques comme les suivantes :

-         les élèves peuvent, en recourant seulement à  leur répertoire de connaissances, en élaborer une solution

-         ils peuvent faire plusieurs essais et vérifier la justesse de leurs réponses.  

On peut pointer ici une question vive, un problème didactique qui fait l'objet de débats parfois vifs, mais courtois, au sein de notre équipe de recherche : comment articuler questions à fort pouvoir générateur d'études et de recherches et conditions de dédidactification ? Si une question est à fort pouvoir générateur d'études, alors les élèves n'ont pas nécessairement dans leur répertoire de connaissances les éléments permettant l'élaboration d'une réponse ! Il apparaît cependant qu'un critère pour qu'un élève puisse juger en raison, et non par soumission, de la pertinence d'une réponse, est à rechercher dans le fait qu'il en connaisse la question associée ! Condition qui est bien loin d'être satisfaite dans l'enseignement par "activités" actuel. Restaurer des questions nous paraît être un travail fondamental pour redonner du sens aux mathématiques enseignées et faire ainsi que celles-ci "éclairent" les élèves mais aussi, dirons nous, les enseignants! Précisons néanmoins que les questions à dévoluer aux élèves ne sont pas forcément celles qui ont historiquement donné naissance au savoir mathématique à enseigner, car on sait que pour être enseigné, le savoir doit être didactiquement transposé.

 

 

Quelques éléments de réponses aux questions posées pour initier le forum du thème 3

 

Q1. A quels besoins professionnels enseignants éventuellement non satisfaits répond la

production de ces ressources et documents ?

Il nous apparaît que la culture professorale actuelle n'est pas satisfaisante pour penser un enseignement des mathématiques dynamique et fonctionnel. C'est un problème de la profession, et il convient d'armer les enseignants à l’aide de nouveaux outils leur permettant de penser différemment leur métier : ne plus se centrer sur des objets mathématiques et leurs propriétés, mais savoir motiver l'étude par des questions problématiques et l'élaboration de réponses à ces questions. Il y a là une véritable révolution épistémologique à réaliser. Les théories didactiques, théorie des situations et théorie anthropologique, donnent des outils pour ce faire. Nous les avons utilisées dans notre recherche avec succès, même s’il reste bien des difficultés à surmonter, comme, par exemple, celle de la maîtrise d'une dialectique des médias et des milieux pour assurer la résolution du paradoxe cité ci-dessus.

 

Q2. Comment faire pour que ces productions soient effectivement utilisées par les

enseignants ?

Changer la culture professorale courante est bien sûr un vaste programme, bien ambitieux. Il  est pour cela nécessaire d'expliciter ce que la profession a à gagner à ce changement, de donner des outils de pensée aux professeurs pour qu'ils puissent concevoir des AER et PER, d'exemplifier en quoi l'usage de tels outils contribue à redonner du sens à l'étude de notre discipline. Il nous semble qu'un des moyens pour y contribuer est d'envisager des publications "grand public". Le réseau de diffusion des travaux didactiques est aujourd'hui trop confidentiel. L'équipe "Ampères" envisage une publication des ses travaux, bien sûr sur le site Educmath si cela est possible, mais aussi chez un grand éditeur comme Hatier. Saurons-nous relever ce défi ? Les journées que nous devons tenir à Toulouse les 1er et 2 juin devraient nous permettre de nous situer par rapport à cet objectif. En tout cas, c'est ce défi que nous devons essayer de relever en 2007 - 2008.

DEMOZ

Posté par aldon le 29/05/2007 13:56

A quels besoins professionnels enseignants éventuellement non satisfaits répond la production de ces ressources et documents ?

Quel constat tire-t-on sur l’état actuel de la professionnalité enseignante en mathématiques ?
Quels sont les médias existants pour les enseignants en mathématiques et quel usage en font-ils ?
A quels besoins professionnels répondent-ils et quels sont les besoins professionnels qu’ils ne satisfont pas ? Quels sont alors les besoins auxquels sont sensées répondre les productions des équipes du thème 3 ?
Sur quelles bases théoriques s’appuient-ils ? Sur quelles méthodologies ? Que peut-on en attendre ?

La base du travail de l'équipe est de proposer des ressources (terme à définir) utilisables en classe pour tenter de répondre à des difficultés constatées de l'enseignement des mathématiques dans le cadre spécifique de l'enseignement prioritaire. L'apprentissage de la démonstration en quatrième est compliqué :

tous les élèves de quatrième confrontés à cette approche éprouvent peu ou prou des difficultés ; les élèves de ZEP accumulent les difficultés :

  • dans le domaine de la maîtrise du langage : aussi bien de par les énoncés à comprendre que par les démonstrations à produire ;
  • dans le domaine de la culture mathématique, il apparaît que c'est plus un jeu de l'école qui s'éloigne des préoccupations des élèves plutôt qu'une nécessité ; d'autant plus que la démonstration formelle qui est souvent enseignée confond l'apprentissage des règles de la démonstration et l'apprentissage de la démonstration.

Notre but est donc de mettre en place des ressources s'appuyant sur des activités dont le but seraient de :

  • donner aux élèves l’envie de chercher ;

  • les sensibiliser sur l’utilité d’expliquer et de transmettre aux autres un travail de recherche ;
  • leur permettre de mobiliser leurs connaissances.

Et ce, en prenant en compte les conditions d'apprentissage particulières, notamment, l'impossibilité pour le professeur de pouvoir compter sur un travail extérieur à la classe : la grande majorité des élèves des zones d'éducation prioritaire ne travaillent pas à la maison pour des motifs variés ; il y a donc une nécessité pour les professeurs de trouver dans le cadre de la classe des ouvertures permettant aux élèves de rentrer dans un jeu mathématique, de s'engager dans une réflexion personnelle au sein de la classe. Il nous semble essentiel que l’énoncé de telles activités soit bref et exprimé « simplement » afin de ne pas paralyser un public qui, avant tout, a des difficultés de compréhension de la langue française sans toutefois perdre les exigences d'enseignement des programmes de mathématiques.

Le travail porte également sur l'élaboration de critères d’évaluation prenant en compte d'autres aspects que ceux traditionnellement envisagés : la qualité de la recherche (interrogation sur l’énoncé, essais, vérifications, cohérence des résultats, argumentation, esprit critique). Les médias existants (manuels, brochures, livres, sites) ne prennent pas forcément le public en compte. Les approches concernant l'enseignement prioritaire sont souvent sociologiques ; l'équipe s'attache à avoir une entrée didactique dans sa réflexion et les productions visées cherchent à être opérationnelles dans une classe. Autrement dit, la recherche s'appuie fortement sur la réalité des classes pour lesquelles les documents en cours de préparation seront réalisés. L'analyse a priori des situations exploitées s'appuie sur les références classiques de la théorie des situations (Brousseau 1998) et sur les travaux concernant les problèmes de recherche en classe (Tisseron, 1998, Payan, 2002, Arsac, 1997) et les narrations de recherches (Sauter, 2000) Par ailleurs, l'information disponible est excessivement dispersée : les manuels, les documents associatifs (IREM, APMEP, etc), les livres de pédagogie, des documents personnels, internet, etc. L’internet, n’amplifie pas l’éparpillement, sans doute, mais en augmente paradoxalement l’impression.

C’est aussi une source de frustrations que d’y trouver des références mais pas accessibles en ligne Les entrées dans le champs de l’enseignement des mathématiques sont innombrables ( psycho-affectif, psycho-sociologique, psychocognitif, didactique, communication, sociologie…) ce qui multiplie d’autant les références. Dans un premier temps, la construction des ressources s'appuient sur une recherche bibliographique (vers une bibliographie commentée), et une analyse de situations existantes et de leur expérimentation en classe. Dans un deuxième temps l'équipe s'attachera à produire des scénarios critiques concernant le thème d'étude choisi : les premières approches de l'enseignement et de l'apprentissage de la démonstration. Les ressources produites pourront alors être une présentation d'activités analysées, observées et scénarisées.

Comment faire pour que ces productions soient effectivement utilisées par les enseignants ?

Des études ont montré que les manuels des élèves constituent les principales ressources sur lesquelles s’appuient les enseignants pour concevoir leur enseignement. Les ouvrages destinés aux professeurs, les ouvrages rendant compte des recherches menées sur l’enseignement des mathématiques et les développements qu’elles peuvent engendrer dans les classes diffusent peu.
Comment pallier cette difficulté ?
Quelles dérives envisager lors de la mise à disposition des documents et ressources élaborés par les équipes du thème 3 ?
Comment y faire face et les anticiper ?

Le côté pratique, testé et analysé des propositions peut peut-être constituer un élément de réponse à ces questions. L'hypothèse que nous faisons, c'est que devant la multitude de ressources et le manque de temps, les enseignants adoptent un média pour la souplesse d'utilisation qu'ils y trouvent. L'idée de proposer des ressources possédant plusieurs entrées peut procurer cette souplesse d'utilisation. La forme numérique peut alors être un bon moyen de provoquer une lecture non linéaire des ressources. Pour diffuser plus largement nos recherches aux enseignants, nous utiliserons, par exemple un espace de diffusion accessible à tous sur le site EducMath en partage, éventuellement avec l’APMEP ou les IREM.

Premiers éléments de bibliographie
  • Brousseau G. (1998) Théorie des Situations Didactiques, La Pensée Sauvage
  • Aldon G., Tisseron C. (1998) Des situations pour mettre en oeuvre une démarche scientifique au lycée, Colloque Recherche et Formation, Actes, IUFM de Grenoble
  • Payan C. & Grenier D. Situations de recherche en « classe ». essai de caractérisation et proposition de modélisation, in Durand-Guerrier, V. & Tisseron, C. (eds) Actes du séminaire national de Didactique des Mathématiques, année 2002, IREM de Paris 7
  • Arsac G., Mantes M. (1997) Situations d'initiation au raisonnement déductif. Educational Studies in Mathematics 33, 21-43.
  • Sauter M., (2000), Formation de l'esprit scientifique avec les narrations de recherche au cycle central du collège, Repères 39, 7-20.

Re: Proposition de questions pour le thème 3 : « Production de ressources / Documents pour enseignants »

Posté par margolinas le 06/06/2007 17:44

Equipe Démathé

Claire Margolinas (INRP, UMR ADEF, Responsable), Bruno Canivenc (IUFM d’Aix-Marseille), Marie-Christine De Redon (INRP), Olivier Rivière (IUFM d’Auvergne), Floriane Wozniak (IUFM de Lyon). ), ainsi que des collaborateurs : Catherine Aurand (IUFM de Versailles), Jean-Luc Dorier (Université de Genève), Bruno Mastellone (IUFM d’Auvergne)

Présentation

L’équipe Développement des Mathématiques à l’Ecole (Démathé) de l’INRP a commencé ses travaux en septembre 2003, sous la direction de Claire Margolinas. Nous développons des ressources, en mathématiques, pour les professeurs de l’école élémentaire. Notre démarche se situe en complémentarité de la documentation à la disposition des professeurs.

Parmi les caractéristiques de notre travail, nous pouvons citer le lien que nous entretenons avec les recherches en didactique des mathématiques. L’originalité de notre démarche concerne le type de lien que nous établissons : nous partons plus spécifiquement des réflexions épistémologiques de ces recherches, sans chercher à développer des situations « clé en main » (Margolinas et al., 2006).

Les recherches qui sont à l’origine des travaux de notre premier ouvrage (cédérom, parution prévue chez Hatier en 2008, peut-être sous le titre « Les dessous du numérique ») sont ceux de (Briand, 1999), ces travaux ont déjà donné lieu à une diffusion grand public (Briand et al., 2004) sous forme d’un cédérom, mais dans un optique différente de la nôtre.

Questions proposées

A quels besoins professionnels enseignants éventuellement non satisfaits répond la production de ces ressources et documents ?

Nous avons réalisé une enquête en 2003-2004, sous forme d’entretien semi-directif d’une heure auprès de 11 professeurs des écoles non débutants (voir actes des journées mathématiques de l’INRP de 2006, dont est extrait le texte ci-après).

Ces entretiens portaient sur les ressources utilisées, en mathématiques, par ces professeurs, dans tous les aspects de leur enseignement (conception de leur enseignement des mathématiques, planification de l’année, détermination des dominantes de l’année, programmation et progression selon des thèmes mathématiques et des chapitres, projet de leçon particulière, conduite des situations, observation des difficultés des élèves).

Les professeurs considèrent que les valeurs et les conceptions de l’enseignement sont en quelque sorte personnelles, il ne s’agit pas de les discuter, il s’agit d’un déjà-là, très fortement déterminé par le genre professionnel et les doxas les plus audible depuis la place du professeur – ce qui peut être parfois assez local, différent selon les académies ou les circonscription, par exemple. Implicitement, les manuels scolaires et les formes d’enseignement sont choisis en partie en fonction de ces valeurs.

De même, contrairement à ce qui sous-tend parfois la relation entre l’innovation et les professeurs, les professeurs interrogés ne sont pas vraiment demandeurs de nouveaux projets de leçon. Il faut développer un peu cette affirmation. Chaque professeur semble rencontrer, assez tôt dans la pratique, un élément – souvent un manuel et/ou un livre du maître – sur lequel il investit beaucoup de travail pour en adopter les façons et qui façonne sa pratique. Même quand il change de manuel, les « lunettes » adoptées restent en place, ce qui justifie d’ailleurs de changer le moins possible de support, et de ne pas apprécier de changements trop brusque dans l’édition d’un manuel d’une année sur l’autre. Le document « générateur » (Margolinas & Wozniak, accepté) joue un rôle très important dans la façon dont le maître se perçoit par rapport aux autres. Dans ces conditions, le lancement d’un nouveau manuel, ou d’un nouveau type de manuel, passe nécessairement par un travail intense de diffusion via la formation, et ne va pas de soit – les éditeurs le savent bien! Les maîtres peuvent être demandeurs de nouveaux projets de leçon, parce que leur pratique a sans doute besoin de se renouveler, mais toujours dans un cadre suffisamment stable. Dans les marges de leur enseignement principal (introduction de nouvelles notions, travail de la technique), les professeurs organisent toutes sortes de dispositifs qui permettent, notamment, une certaine différenciation. Au delà du document générateur (manuel de la classe ou non) tous les documents sont bons pour permettre aux élèves de s’entraîner, voire tout simplement de s’occuper tout en faisant des mathématiques.

En fait, les besoins mathématiques s’expriment peu dans les entretiens, sauf à deux niveaux : la construction de la progression ou de la planification en mathématiques, l’observation de l’activité des élèves. Commençons par cet aspect d’observation. Tout se passe comme si les professeurs nous disaient : « je sais enseigner, pas de problème… sauf pour 20% des élèves (pourcentage qui peut varier selon les discours) ». « Pour ceux-là, les élèves en difficulté, je suis demandeur d’aide, de suggestion, voire je réclame qu’on me fournisse des aides ». L’observation des difficultés des élèves, souvent à la fin d’un processus d’enseignement supposé provoquer l’apprentissage, est une réalité douloureuse, qui pousse les maîtres à une demande. Dans le projet DéMathE, nous avons pris très au sérieux cette demande et cette possibilité d’ouverture, en nous centrant toujours sur des difficultés qui persistent, même si c’est seulement pour certains élèves – du moins en apparence. Les professeurs, qui décrivent souvent difficilement les objectifs mathématiques de leurs leçons, par exemple, font souvent preuve d’une grande finesse dans l’observation des difficultés qui résistent. Mais la possibilité de description raisonnée manque, parce que le cadre d’analyse n’est pas connu.

En ce qui concerne la construction d’une progression, la question est toute différente, et ne s’exprime pas de la même manière. Beaucoup de professeurs vivent leur enseignement - des mathématiques, mais sans doute pas seulement - sur un mode de « surlignage des compétences successives ». Ce mode d’organisation – ou plutôt de désorganisation – est sans doute d’autant plus fort que la problématique des « compétences » est forte et légitimée (Schneider, 2006). Les professeurs qui s’expriment sur cette difficulté sont ceux qui ont le sentiment d’avoir à faire des choix, sans bien savoir sur quelle base les faire. Ils nous disent parfois que c’est « le plus difficile ». Cette difficulté ne les empêche pas d’enseigner au quotidien, mais certains d’entre eux ressentent ce que l’observation des classes ordinaires nous révèle, c’est-à-dire un manque d’organisation mathématique, qui conduit à l’impossibilité de choix cohérents, y compris bien dans les projets de leçon et les situations de classe. Le problème qui se pose est de comprendre sous quelle forme il serait possible de mettre à la disposition des professeurs certains savoirs concernant l’organisation curriculaire mathématique.

Comment faire pour que ces productions soient effectivement utilisées par les enseignants ?

Nous avons répondu en partie par avance à cette question, puisque nous avons construit notre document en tenant compte des résultats de notre enquête.

Par ailleurs, la forme que nous avons adoptée (document numérique adossé à un site web) permet une démarche de conception d’instruments didactiques « continuée dans l’usage ».

Nous avons prévu d’étudier la façon dont les professeurs pourront faire usage de l’ouvrage publié, soit par des enquêtes sur leur pratique instrumentée par l’ouvrage, soit au travers d’interactions via l’Internet (au sein de site EducMath de l’INRP).

Cette étude s’inscrira dans la conception d’outils co-construits qui associent les utilisateurs à l’enrichissement, ce qui est rendu possible par la forme électronique adoptée : transformation de l’ouvrage publié ; conception partagée via un site interactif ; rédaction de nouveaux ouvrages dans la même collection.

Dès à présent nous avons mis en place de façon informelle quelques observations de professeurs découvrant le DVD, qui nous ont permis de modifier quelques éléments du développement.

Bibliographie

 

Briand, J. (1999). Contribution à la réorganisation des savoirs prénumériques et numériques. Étude et réalisation d'une situation d'enseignement de l'énumération dans le domaine prénumérique. Recherches en Didactique des Mathématiques, 19(1), 41-76.

Briand, J., Loubet, M., & Salin, M.-H. (2004). Apprentissages mathématiques en maternelle.Paris: Hatier.

Margolinas, C., Mercier, A., & René de Cotret, S. (2006). Développements curriculaires dans l'enseignement obligatoire. Actes de Quelles ressources pour l'enseignement des mathématiques, INRP, Lyon. http://educmath.inrp.fr/Educmath/ressources/math_inrp/jmj06/.

Margolinas, C., & Wozniak, F. (soumis). Usage des manuels dans le travail du professeur: L'enseignement des mathématiques à l'école primaire. Revue des sciences de l'éducation(Numéro spécial: Les manuels scolaires: réformes curriculaires, développement professionnel et apprentissages des élèves).

 

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