Post du forum : Re: Proposition de questions pour le thème 3 : « Production de ressources / Documents pour enseignants »
Aller au niveau supérieur
Equipe Démathé
Claire Margolinas (INRP, UMR ADEF, Responsable), Bruno Canivenc (IUFM d’Aix-Marseille), Marie-Christine De Redon (INRP), Olivier Rivière (IUFM d’Auvergne), Floriane Wozniak (IUFM de Lyon). ), ainsi que des collaborateurs : Catherine Aurand (IUFM de Versailles), Jean-Luc Dorier (Université de Genève), Bruno Mastellone (IUFM d’Auvergne)
Présentation
L’équipe Développement des Mathématiques à l’Ecole (Démathé) de l’INRP a commencé ses travaux en septembre 2003, sous la direction de Claire Margolinas. Nous développons des ressources, en mathématiques, pour les professeurs de l’école élémentaire. Notre démarche se situe en complémentarité de la documentation à la disposition des professeurs.
Parmi les caractéristiques de notre travail, nous pouvons citer le lien que nous entretenons avec les recherches en didactique des mathématiques. L’originalité de notre démarche concerne le type de lien que nous établissons : nous partons plus spécifiquement des réflexions épistémologiques de ces recherches, sans chercher à développer des situations « clé en main » (Margolinas et al., 2006).
Les recherches qui sont à l’origine des travaux de notre premier ouvrage (cédérom, parution prévue chez Hatier en 2008, peut-être sous le titre « Les dessous du numérique ») sont ceux de (Briand, 1999), ces travaux ont déjà donné lieu à une diffusion grand public (Briand et al., 2004) sous forme d’un cédérom, mais dans un optique différente de la nôtre.
Questions proposées
A quels besoins professionnels enseignants éventuellement non satisfaits répond la production de ces ressources et documents ?
Nous avons réalisé une enquête en 2003-2004, sous forme d’entretien semi-directif d’une heure auprès de 11 professeurs des écoles non débutants (voir actes des journées mathématiques de l’INRP de 2006, dont est extrait le texte ci-après).
Ces entretiens portaient sur les ressources utilisées, en mathématiques, par ces professeurs, dans tous les aspects de leur enseignement (conception de leur enseignement des mathématiques, planification de l’année, détermination des dominantes de l’année, programmation et progression selon des thèmes mathématiques et des chapitres, projet de leçon particulière, conduite des situations, observation des difficultés des élèves).
Les professeurs considèrent que les valeurs et les conceptions de l’enseignement sont en quelque sorte personnelles, il ne s’agit pas de les discuter, il s’agit d’un déjà -là , très fortement déterminé par le genre professionnel et les doxas les plus audible depuis la place du professeur – ce qui peut être parfois assez local, différent selon les académies ou les circonscription, par exemple. Implicitement, les manuels scolaires et les formes d’enseignement sont choisis en partie en fonction de ces valeurs.
De même, contrairement à ce qui sous-tend parfois la relation entre l’innovation et les professeurs, les professeurs interrogés ne sont pas vraiment demandeurs de nouveaux projets de leçon. Il faut développer un peu cette affirmation. Chaque professeur semble rencontrer, assez tôt dans la pratique, un élément – souvent un manuel et/ou un livre du maître – sur lequel il investit beaucoup de travail pour en adopter les façons et qui façonne sa pratique. Même quand il change de manuel, les « lunettes » adoptées restent en place, ce qui justifie d’ailleurs de changer le moins possible de support, et de ne pas apprécier de changements trop brusque dans l’édition d’un manuel d’une année sur l’autre. Le document « générateur » (Margolinas & Wozniak, accepté) joue un rôle très important dans la façon dont le maître se perçoit par rapport aux autres. Dans ces conditions, le lancement d’un nouveau manuel, ou d’un nouveau type de manuel, passe nécessairement par un travail intense de diffusion via la formation, et ne va pas de soit – les éditeurs le savent bien! Les maîtres peuvent être demandeurs de nouveaux projets de leçon, parce que leur pratique a sans doute besoin de se renouveler, mais toujours dans un cadre suffisamment stable. Dans les marges de leur enseignement principal (introduction de nouvelles notions, travail de la technique), les professeurs organisent toutes sortes de dispositifs qui permettent, notamment, une certaine différenciation. Au delà du document générateur (manuel de la classe ou non) tous les documents sont bons pour permettre aux élèves de s’entraîner, voire tout simplement de s’occuper tout en faisant des mathématiques.
En fait, les besoins mathématiques s’expriment peu dans les entretiens, sauf à deux niveaux : la construction de la progression ou de la planification en mathématiques, l’observation de l’activité des élèves. Commençons par cet aspect d’observation. Tout se passe comme si les professeurs nous disaient : « je sais enseigner, pas de problème… sauf pour 20% des élèves (pourcentage qui peut varier selon les discours) ». « Pour ceux-là , les élèves en difficulté, je suis demandeur d’aide, de suggestion, voire je réclame qu’on me fournisse des aides ». L’observation des difficultés des élèves, souvent à la fin d’un processus d’enseignement supposé provoquer l’apprentissage, est une réalité douloureuse, qui pousse les maîtres à une demande. Dans le projet DéMathE, nous avons pris très au sérieux cette demande et cette possibilité d’ouverture, en nous centrant toujours sur des difficultés qui persistent, même si c’est seulement pour certains élèves – du moins en apparence. Les professeurs, qui décrivent souvent difficilement les objectifs mathématiques de leurs leçons, par exemple, font souvent preuve d’une grande finesse dans l’observation des difficultés qui résistent. Mais la possibilité de description raisonnée manque, parce que le cadre d’analyse n’est pas connu.
En ce qui concerne la construction d’une progression, la question est toute différente, et ne s’exprime pas de la même manière. Beaucoup de professeurs vivent leur enseignement - des mathématiques, mais sans doute pas seulement - sur un mode de « surlignage des compétences successives ». Ce mode d’organisation – ou plutôt de désorganisation – est sans doute d’autant plus fort que la problématique des « compétences » est forte et légitimée (Schneider, 2006). Les professeurs qui s’expriment sur cette difficulté sont ceux qui ont le sentiment d’avoir à faire des choix, sans bien savoir sur quelle base les faire. Ils nous disent parfois que c’est « le plus difficile ». Cette difficulté ne les empêche pas d’enseigner au quotidien, mais certains d’entre eux ressentent ce que l’observation des classes ordinaires nous révèle, c’est-à -dire un manque d’organisation mathématique, qui conduit à l’impossibilité de choix cohérents, y compris bien dans les projets de leçon et les situations de classe. Le problème qui se pose est de comprendre sous quelle forme il serait possible de mettre à la disposition des professeurs certains savoirs concernant l’organisation curriculaire mathématique.
Comment faire pour que ces productions soient effectivement utilisées par les enseignants ?
Nous avons répondu en partie par avance à cette question, puisque nous avons construit notre document en tenant compte des résultats de notre enquête.
Par ailleurs, la forme que nous avons adoptée (document numérique adossé à un site web) permet une démarche de conception d’instruments didactiques « continuée dans l’usage ».
Nous avons prévu d’étudier la façon dont les professeurs pourront faire usage de l’ouvrage publié, soit par des enquêtes sur leur pratique instrumentée par l’ouvrage, soit au travers d’interactions via l’Internet (au sein de site EducMath de l’INRP).
Cette étude s’inscrira dans la conception d’outils co-construits qui associent les utilisateurs à l’enrichissement, ce qui est rendu possible par la forme électronique adoptée : transformation de l’ouvrage publié ; conception partagée via un site interactif ; rédaction de nouveaux ouvrages dans la même collection.
Dès à présent nous avons mis en place de façon informelle quelques observations de professeurs découvrant le DVD, qui nous ont permis de modifier quelques éléments du développement.
Bibliographie
Â
Briand, J. (1999). Contribution à la réorganisation des savoirs prénumériques et numériques. Étude et réalisation d'une situation d'enseignement de l'énumération dans le domaine prénumérique. Recherches en Didactique des Mathématiques, 19(1), 41-76.
Briand, J., Loubet, M., & Salin, M.-H. (2004). Apprentissages mathématiques en maternelle.Paris: Hatier.
Margolinas, C., Mercier, A., & René de Cotret, S. (2006). Développements curriculaires dans l'enseignement obligatoire. Actes de Quelles ressources pour l'enseignement des mathématiques, INRP, Lyon. http://educmath.inrp.fr/Educmath/ressources/math_inrp/jmj06/.
Margolinas, C., & Wozniak, F. (soumis). Usage des manuels dans le travail du professeur: L'enseignement des mathématiques à l'école primaire. Revue des sciences de l'éducation(Numéro spécial: Les manuels scolaires: réformes curriculaires, développement professionnel et apprentissages des élèves).