Dimension expérimentale
Expérimenter des problèmes de recherche innovants en mathématiques à l'école
ResponsableViviane DURAND-GUERRIER, maître de conférences, IUFM de Lyon, LIRDHIST et IREM (Université Lyon 1) MembresGilles ALDON, INRP |
Objectif
Élaborer des ressources permettant aux enseignants de mettre en oeuvre dans le cours ordinaire de la classe des problèmes de recherche en mettant en évidence, sur quelques problèmes classiques ou moins classiques, les ressorts fournis par la dimension expérimentale de l’activité mathématique d’une part, les connaissances mathématiques travaillées en lien avec les programmes à différents niveaux d’enseignement primaire et secondaire, d’autre part.
Partenariat
INRP, IREM et IUFM de Lyon, LIRDHIST (Lyon 1)
Le contexte
La composition du groupe nous permet d’avoir accès à des niveaux de classe variés (collèges, mais aussi école élémentaire et lycée) et de nous appuyer sur l’ensemble des travaux développés autour du problème ouvert au sein de l’IREM de Lyon depuis près de vingt ans, ainsi que sur les travaux de recherche développés au LIRDHIST sur "l’articulation entre logique et rayonnement mathématique" (Durand-Guerrier 2005) et sur " la dimension expérimentale des mathématiques dans la perspective de leur apprentissage" (T. Dias, thèse en cours).
La référence classique de l’introduction en classe de problème de recherche est de mettre l’élève dans une position permettant sous certains aspects la reproduction de la position de chercheur. L’accent est mis alors sur les heuristiques et sur le développement de compétences liées au processus de preuve et à l’argumentation. Cependant, ce n’est pas la seule fonction de la résolution de problème. Celle-ci induit en effet la reconstruction des outils ou la construction de nouveaux par un va et vient de l’outil à l’objet, utilisation d’essais, d’expérimentation de divers types, ajustement des résultats et des hypothèses qui peuvent s’en déduire. En effet, si l’aspect hypothétique-déductif est celui qui est donné à voir dans la mathématique achevée, celle qui est organisée et rendue publique, celle qui permet d'avancer rapidement dans l'exposé de la construction formelle des savoirs. La construction de ces savoirs par les chercheurs se fait à travers la résolution de problèmes et l'élaboration progressive de théories, dans lesquelles l'élaboration d'une axiomatique appropriée permet progressivement de diminuer la part des propriétés portées par l'intuition des objets au profit des opérations que les axiomes déclarent licites. Les formes de travail du contexte de découverte tâtonnantes et raisonnées à la fois sont, en fait, celles utilisées en situation de résolution de problème (Claude Tisseron, Le modèle du chercheur, référence de la recherche de problèmes en classe : http://sierra.univ-lyon1.fr/irem/CF/epis/cadre1.htm).
Problématique et méthodologie de recherche
De nombreuses expériences ont eu lieu depuis près de vingt ans tant au collège, qu’à l’école élémentaire et au lycée, concernant la mise en Å“uvre de problèmes de recherche en mathématiques dans différents contextes. Elles montrent clairement les apports en termes d’apprentissage de la démarche scientifique : développement d’heuristique, élaboration de conjectures, mobilisation d’outils de contrôle et de validation etc.., Elles montrent aussi la possibilité d’insérer des situations de ce type en classe. Pour autant, bien que de telles situations de recherche continuent à vivre, et, malgré un certain nombre de recommandations institutionnelles, elles ne se sont pas généralisées.
Nous faisons l’hypothèse que, parmi les freins à ce développement, les points ci-dessous sont déterminants :
1. La part importante de la dimension expérimentale dans le travail de recherche rentre en conflit avec la représentation contemporaine dominante parmi les enseignants , et au delà dans la société, de ce que sont les mathématiques.
2. L’accent mis principalement dans l’approche des problèmes de recherche sur le développement de compétences transversales liées au raisonnement, en laissant au second plan les apprentissages sur les notions mathématiques en jeu, est en opposition avec les contraintes institutionnelles qui pèsent sur les professeurs, en particulier en ce qui concerne l’avancement dans le programme.
3. Les difficultés pour le professeur de repérer ce qui relève des mathématiques dans l’activité des élèves, et par suite de choisir ce que l’on peut institutionnaliser à l’issue du travail en lien avec les programmes de la classe.
4. Les difficultés rencontrées par les professeurs pour évaluer ce type de travail, compte tenu de ce que les modes d’évaluation habituels ne sont pas appropriés.
Les questions que nous souhaitons mettre à l’étude et les modalités de recherche en découlent. Elles se déclinent en trois axes :
Premier axe : retravailler un certain nombre de problèmes de recherche classiques en les étudiant du point de vue des notions mathématiques susceptibles d’être mobilisées ou construites au cours de leur résolution, par une analyse a priori en référence en particulier à Brousseau (1998) et par une nouvelle étude de certains corpus recueillis en classe lorsque ceux-ci sont disponibles ; une attention particulière sera portée aux éléments qui caractérisent une démarche expérimentale (Chevallard,1992, 2004 ; Dias et Durand-Guerrier, 2005).
Deuxième axe : choisir quelques notions clés des programmes de collège et/ou des deux transitions institutionnelles école élémentaire/collège et collège/lycée et élaborer une batterie de problèmes de recherche permettant de travailler sur les allers et retours entre la partie expérimentale de la recherche et la construction structurée de notions mathématiques, puis mettre ces problèmes à l’épreuve dans des classes de collège, de cycle 3 de l’école élémentaire ou de seconde de lycée.
Troisième axe : développer des outils permettant d’analyser finement l’activité des élèves dans la perspective de repérer avec précision comment se tisse une toile mathématique autour des objets mathématiques susceptibles d’être mobilisés dans un problème donné, en d’autre termes :
1. Les objets mathématiques qui sont effectivement travaillés ;
2. Les modes de raisonnement développés sur ces objets ;
3. Les propriétés et relations travaillées et/ou élaborés au cours du problème ;
4. Les catégories langagières et logico-mathématiques mobilisées et leur contribution à l’avancement de la recherche.
Le travail en cours
Le groupe s’est mis en place à la rentrée universitaire 2005. Le travail actuel porte d’une part sur la reprise suivant les deux premiers axes d’un certain nombre de problèmes classiques déjà bien étudiés au sein de l’IREM de Lyon et sur la préparation de nouvelles expérimentations à différents niveaux d’enseignement ; d’autre part sur l’exploration des potentialités offertes par le problème des urnes de Polya pour travailler en particulier les liens entre statistiques et probabilités. Ce problème bien connu en mathématiques et hors des mathématiques fait l’objet d’une nombreuse littérature tant en ce qui concerne l’enseignement post-bac des probabilités, que son utilisation dans les sciences humaines. Nous avons conduit des premières pré-expérimentations (moniteurs du CIES, étudiant en BTS agricole) qui confirment les potentialités de ce problème et montrent également la nécessité de poursuivre et d’approfondir l’étude épistémologique. Nous préparons également des expérimentations en seconde et terminale pour la fin de l’année scolaire 2005-2006. Les outils d’analyse en référence au troisième axe sont en cours d’élaboration et seront mis à l’épreuve et retravaillés sur les corpus recueillis.
Les formes envisagées pour la diffusion
Nous n’avons pas encore stabilisé complètement les formes que nous adopterons pour la diffusion, mais nous nous orientons vers des modalités mixtes papiers, CD-Rom et/ou documents en ligne. En ligne, le prototype de ressources actuellement disponible, encore incomplet mais permettant de se faire une idée du produit fini.
Quelques références
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Aldon G., Tisseron C. (1998) Des situations pour mettre en oeuvre une démarche scientifique au lycée, Colloque Recherche et Formation, Actes, IUFM de Grenoble
Arsac G., Germain G., Mante M. (1988) Problème ouvert et situation-problèmes, IREM de Lyon
Arsac G. & al. (1992) Initiation au raisonnement déductif au collège. Presses Universitaires de Lyon et IREM. de Lyon
Brousseau G. (1998) Théorie des Situations Didactiques, La Pensée Sauvage
Chevallard Y. () Le caractère expérimental de l'activité mathématique, Petit x, 30, p. 5-15.
Chevallard Y. (2004) Pour une nouvelle épistémologie scolaire, Les cahiers Pédagogiques, n°427, 34-36
Dias T., Durand-Guerrier V. (2005) Expérimenter pour apprendre en mathématiques, Repères IREM, 60, pp. 61-78
Douaire J. (2004) Argumentation et disciplines scolaires, INRP
Duchet P., Mainguené J., Les apprentis-chercheurs de MATh.en.JEANS, Actes des Journées COPIRELEM, La Roche sur Yon, 17-19 Mai 2002, IREM des Pays de Loire
Durand-Guerrier V. (2005) Recherches sur l’Articulation entre la logique et le raisonnement mathématique dans une perspective didactique. Un cas exemplaire de l’interaction entre analyses épistémologique et didactique. Apports de la théorie élémentaire des modèles pour une analyse didactique du raisonnement mathématique, IREM de Lyon
Durand-Guerrier V. Retour sur le schéma de la validation explicite dans la théorie des situations didactiques, à la lumière de la théorie des modèles de Tarski, à paraître dans les actes du colloque Didactiques : quelles références épistémologiques ?, Bordeaux ,25 - 27 mai 2005
Durand-Guerrier V. & al. (eds.) Jeux et enjeux des langages dans l'élaboration des savoirs en classe, à paraître aux PUL en 2005
ERMEL (1999) Vrai, faux, on en débat, INRP
Leberre M., Mulet-Marquis R. (2006) 50 problèmes et plus si affinités, IREM de Lyon
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Polya G. (1958) Les mathématiques et le raisonnement plausible, Paris : Gauthier-Villars
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