Post du forum : Re: Quelques réflexions suscitées par ce débat
Aller au niveau supérieurPoint de vue de Rudoph Bkouche, professeur émérite, université de Lille 1, ancien directeur de l'IREM de Lille
Le débat sur l'épreuve pratique aura eu l'avantage d'occulter deux questions :
- l'aspect expérimental des mathématiques, en oubliant que ce caractère expérimental est bien antérieur à l'informatique ;
- l'apport de l'informatique à l'activité mathématique et la place de l'informatique dans l'enseignement des mathématiques.
Dans son jargon anthropologico-didactique Chevallard explique comment l'invention d'une épreuve de baccalauréat obligera les enseignants à prendre en compte l'informatique. On peut en noter la justesse du point de vue sociologique soulignant d'autant plus son peu de pertinence pédagogique, sauf à réduire le pédagogique au sociologique. Sinon on a quelques affirmations moralisantes (il faut être moderne) ou administratives.
Pour le reste, le plus intéressant est le texte de Duverney qui montre son scepticisme et le risque de bachotage que va provoquer cette épreuve improvisée. Il faudrait enfin sortir du mythe de l'élève en situation de recherche, notion très mal définie qui résulte plus d'un volontarisme moralisant que d'une véritable réflexion sur l'enseignement. Il est vrai que ce moralisme permet de ne pas parler de la faiblesse des programmes actuels.
Moisan défend une position dangereuse ; critiquant le regard d'évaluateur de l'enseignant, il lui propose de transformer son jugement sur les connaissances de l'élève en évaluation de "la capacité de l'élève à s'engager intelligemment dans une démarche expérimentale et son aptitude à en dégager les fruits". Autrement dit à juger les compétences plutôt que les connaissances, un vieux discours pédagogiste qui revient aujourd'hui à l'actualité (cf. le discours sur les compétences à propos du baccalauréat). Sur ce point, on peut dire :
- que l'on demande de juger moins les connaissances de l'élève que l'élève lui-même, ce qui est contraire à la déontologie enseignante ;
- que l'on aura le choix entre laisser la libre subjectivité de l'enseignant s'exprimer, ce qui revient à détruire la notion d'examen, ou établir des règles administratives qui enfermeront l'épreuve dans un carcan, ce qui conduira à intensifier le bachotage ;
- tout cela reste sur des bases floues et la critique de Monhagan sur la notion de "compétence" devrait être prise en considération.
Mais il est vrai que derrière ce débat, se pose le problème d'attirer le client dans la spécialité "mathématiques" de la TS donc de fabriquer un produit attrayant et vendable. L'épreuve a pour premier objectif de donner des points, cela relève de la promotion publicitaire. Ensuite on fabrique les discours de justification. On peut regretter que les IREM, au contraire de la Société Mathématique de France, n'aient pas osé dire non. Je ne parle pas de l'APMEP enfermée dans son modernisme moralisateur. La seule solution sérieuse serait de rejeter cette épreuve et de réfléchir sur les deux questions posées au début de ce texte.