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M. Artigue

Dernière modification 10/02/2007 07:46

Michèle Artigue, didacticienne des mathématiques, professeur à Paris 7, coordinatrice du rapport calcul de la Commission de Réflexion sur l'Enseignement des Mathématiques (commentaire reçu le 2 février 2007)

Quelques réflexions suscitées par la lecture du texte élaboré par l’Académie des Sciences sur la place du calcul dans l’enseignement primaire


Ecrire un texte sur le calcul à l’heure actuelle n’est pas chose facile tant on peut craindre de se voir instrumenté d’une façon ou d’une autre, ou d’être mal compris, du fait des tensions qui affectent le monde de l’enseignement, de la pression politique et médiatique. Le texte de l’Académie des sciences prend de ce point de vue un certain nombre de précautions très utiles quand il souligne que « la complexité de la question posée, et sa déclinaison en programmes et instructions pour les inspecteurs et maîtres, impose une grande prudence dans l’affirmation de recommandations et conclusions », quand il dénonce le danger qu’il y a « dans de telles situations, à solliciter les experts au-delà de ce qu’ils sont en mesure d’affirmer ou de provoquer des incompréhensions profondes chez les maîtres », quand il demande « de s’abstenir de préconisations impératives immédiates » et recommande « que les observations présentées puissent être corroborées d’analyses plus approfondies ».

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Ces précautions étant prises, il émet en les argumentant un certain nombre d’avis. Je retrouve dans un certain nombre d’entre eux des positions que nous avons développées dans le rapport sur le calcul de la CREM et je ne peux donc qu’être d’accord avec elles : l’importance du lien avec la mesure des grandeurs et avec la géométrie, l’importance de voir dans le calcul un moyen essentiel de tisser des liens entre disciplines scolaires, entre l’école et la société, l’importance de faire du calcul un outil efficace de l’activité mathématique, en jouant sur la puissance offerte par son automatisation, mais en insistant sur le fait qu’un apprentissage mécanique de techniques opératoires est à proscrire, l’équilibre à trouver entre les différentes formes de calcul : calcul mental, calcul écrit, papier/crayon ou instrumenté, exact ou approché, sans compter l’importance de commencer dès les débuts de la scolarité à développer la familiarité des élèves avec les nombres et le calcul sous des formes appropriées, et de faire ressentir aux élèves, tout au long de la scolarité primaire, le plaisir que l’on peut ressentir à manipuler des nombres et à calculer avec eux.

J’ai cependant un certain nombre de réserves, certaines sur le fond, d’autres parce que les formulations choisies me semblent pouvoir nourrir un certain nombre d’incompréhensions chez les enseignants, dans certains cas simplement parce que la lecture du texte pourrait leur laisser croire que les académiciens pensent qu’ils ne font pas des choses que pourtant ils font. Je vais suivre, pour exprimer ma position, le fil du texte.

1. Page 3, il est écrit : « L’analyse proposée, focalisée sur le calcul et la géométrie, considère celles-ci du point de vue des performances attendues de tous les enfants, plus que sous l’angle d’une éducation mathématique, laquelle pourrait faire l’objet d’une analyse distincte ». Je dois dire que la séparation qui est ainsi faite entre développement de performances et éducation mathématique me semble très gênante. Telle que formulée, elle peut donner l’impression que les performances sont attendues de tous tandis que l’éducation mathématique pourrait être réservée à certains. Et, même si l’on ne va pas jusque là, elle peut laisser penser que ce que vise l’école en priorité c’est de former des calculateurs performants, sans se soucier de savoir en quoi ceci va s’intégrer dans une réelle éducation mathématique, que c’est ce que le socle commun pourrait s’engager à assurer à tous.

2. Le lien avec les autres matières. Comme déjà souligné, je trouve important de rappeler le rôle que joue le calcul dans les liens entre les mathématiques et les autres disciplines, sans se limiter aux disciplines scientifiques généralement évoquées dans ce type de discours, et de rappeler le caractère fondamental des rapports entre nombres et grandeurs. Si l’on veut que les enseignants s’y retrouvent bien, il serait bon je pense de souligner que les programmes récents ont justement choisi de renforcer ce lien, et que les documents d’accompagnement insistent sur la légitimité d’écritures telles que celles mentionnées, un temps effectivement bannies en France.

3. Les fondements cognitifs de l’arithmétique. Là encore, je ne peux qu’être d’accord avec beaucoup des choses dites. Mais à certains moments le texte manque je pense de prudence. On a l’impression à le lire que beaucoup de choses se développent spontanément, en l’absence de toute éducation. Les différences importantes constatées entre les enfants de maternelle quant à leur rapport au nombre laissent penser que l’éducation, la stimulation, familiale ou sociale, jouent sans doute un rôle non négligeable dans les premiers apprentissages au-delà de ce qui est génétiquement programmé. C’est d’ailleurs une des fonctions de l’école maternelle d’essayer de compenser les différences qui existent dans ce domaine. En dehors de ce qui est dit là, il y aurait bien sûr beaucoup d’autres choses à dire sur les fondements cognitifs de l’arithmétique, mais n’étant pas experte de ces questions, je ne m’avancerai pas davantage. Je soulignerai simplement que s’il est important de souligner les efforts et l’attention nécessités par l’apprentissage et de l’exécution d’algorithmes de calcul exact, et le gain que permet l’automatisation du calcul, il me semble aussi important de souligner :

a) que le coût de l’apprentissage et de l’exécution peuvent varier suivant la façon dont est organisé l’apprentissage, suivant les techniques qui sont utilisées et la façon dont en sont gérées les traces écrites,

b) que l’automatisation, elle aussi, a un coût d’apprentissage élevé, en particulier si elle est organisée mécaniquement, qu’il importe donc d’une part de se fixer des ambitions raisonnables dans ce domaine, d’autre part de mettre le plus possible l’intelligence des nombres et du calcul au service des mémorisations nécessaires.

Principes fondamentaux de l’enseignement du calcul. Des précautions sont prises mais on ressent bien à la lecture le poids qui est donné à l’acquisition d’automatismes de calcul. Il y a une tension manifeste dans ce paragraphe qui nuit à la cohérence de la vision proposée. On lit : « l’objectif d’automatisation du calcul ne doit pas être mis en avant au détriment de la compréhension : l’automatisation ne peut être que le résultat ultime et naturel… » et, à la phrase d’après : « La priorité doit être donnée à l’acquisition de routines solides et bien comprises de calcul, et d’un passage fluide de ce calcul formel à l’intuition des quantités ainsi manipulées ». Je dois avouer que j’ai du mal à suivre et à comprendre quelles relations d’ordre suggèrent exactement les auteurs. Pourquoi d’ailleurs vouloir ordonner des processus qui sont éminemment dialectiques ? Il semble aussi qu’il y ait une assimilation entre routines de calcul et calcul formel. Que signifie ici l’expression calcul formel ? Que recouvrent exactement les automatismes dont il est question ? Plus loin il est écrit : « Le sens des différentes opérations ne peut se former convenablement que si celles-ci sont introduites simultanément, puisque l’élève peut alors comparer et opposer leurs différents usages ». Les quatre opérations vont en effet par paires : addition – soustraction, multiplication – division, et faire fonctionner ces associations/oppositions contribue à leur sens. Mais jusqu’où est-il raisonnable d’aller dans la symétrie de traitement ? Prenons le cas de l’addition et de la soustraction. L’introduction de problèmes conduisant à l’une ou l’autre des opérations, l’introduction d’un signe pour les désigner, la prise de conscience des relations qui les lient et les jeux d’écriture associés sont une chose et, même si ce n’est pas la pratique actuelle en France, elle ne me semble pas a priori déraisonnable. Décider de mener de pair l’apprentissage des deux algorithmes, à un moment où le rapport à la numération est encore très instable, en est une autre. Et ce qui est conçu comme une aide pourrait bien se révéler une source de confusion et un obstacle à l’apprentissage. Il me semble important de souligner donc que l’affirmation citée ci-dessus peut prendre des sens très différents selon ce que l’on entend par introduction. Dans au moins certaines des acceptions de ce terme, elle est très certainement fausse, et quelle que soit l’acception donnée, je ne suis pas sûre que l’on puisse considérer avoir aujourd’hui la preuve de ce qu’elle affirme.

4. Diversités des formes de l’apprentissage du calcul. Le calcul est en effet un objet multiforme et il est toujours bon de rappeler qu’il faut dans l’organisation de son apprentissage ménager un équilibre satisfaisant entre ces différentes formes et en faire jouer les complémentarités. C’est ce me semble ce sur quoi insistent également les programmes actuels. La façon dont le texte exprime ces complémentarités me semble cependant par certains côtés discutable.

a) Le calcul mental est pensé dans ses apports à la mémorisation et à la satisfaction des besoins mathématiques de la vie citoyenne. Il faudrait également souligner d’une part, le rôle essentiel qu’il joue dans la conceptualisation du nombre par la façon dont il met en jeu les propriétés des nombres, de la numération décimale et des opérations, propriétés qui deviennent transparentes dans l’exécution des techniques opératoires, une fois celles-ci automatisées, d’autre part le fait que, bien conçu, il contribue très fortement au développement de la flexibilité du calcul, une flexibilité nécessaire à son utilisation raisonnée, et compense ainsi la rigidité qui accompagne nécessairement l’automatisation.

b) Il n’est pas fait mention dans le texte de calcul écrit, l’expression utilisée étant celle de calcul posé. La connotation portée par le choix de l’expression calcul posé ou calcul posé par écrit me semble réductrice car susceptible de laisser penser que ce qui est ici considéré concerne uniquement l’écriture « posée » des opérations. Or le calcul écrit, celui dont il est dit à juste titre qu’il est porteur de développements ultérieurs en mathématiques, ne saurait se réduire à cette écriture spatiale des opérations. Et ce sont ses formes écrites en ligne mettant en oeuvre les propriétés des opérations, en particulier la distributivité de la multiplication par rapport à l’addition, qui vont s’étendre d’un calcul sur les nombres entiers et décimaux à un calcul engageant également des fractions et des radicaux puis à un calcul algébrique. Il me semble important de souligner que, dans le calcul écrit également, des équilibres sont à ménager entre différentes expressions des calculs. L’objectif du calcul écrit à l’école élémentaire ne saurait être limité, comme c’est écrit dans le texte, à « la maîtrise complète des algorithmes de calcul écrit à plusieurs chiffres, accompagnée de leur sens, pour les quatre opérations arithmétiques ». Cette formulation pose de plus une question : qu’entend-t-on par maîtrise complète des algorithmes de calcul écrit ? S’agit-il de savoir les exécuter de façon fiable et rapide, quelle que soit la taille des nombres en jeu ? S’agit-il de les avoir compris, de savoir les exécuter de façon fiable et rapide sur des nombres de taille raisonnable, sachant que pour des nombres plus grands on aura recours à des calculatrices ? La question se pose pour la multiplication et surtout pour la division. Si l’on ne donne pas une acception raisonnable à ce que l’on entend ici par maîtrise, on va faire de cet apprentissage quelque chose de chronophage et le temps et l’énergie consommés pour y parvenir se feront au détriment d’autres ambitions raisonnables et utiles que l’école élémentaire peut se donner, et ce même en matière de calcul.

c) L’accent mis dans le texte sur le calcul approché est tout à fait essentiel et il faut sans aucun doute, dans la réhabilitation du calcul à laquelle ce texte veut concourir, accordée une attention spéciale au calcul approché qui a tendance à être considéré dans l’enseignement comme un pis aller : ce à quoi on se résout quand le calcul exact n’est pas possible. Il faut insister sur le fait que le calcul approché a ses fonctions et ses techniques propres, qu’il est parfois celui qui répond le mieux aux besoins du calcul, et qu’à l’heure où tout calcul complexe est instrumenté, il prend une importance particulière par les estimations et les contrôles qu’il permet. On notera de plus que c’est un calcul qui réclame de la flexibilité et que ses techniques se rapprochent assez, de ce fait, sans s’y réduire à celles du calcul mental, au niveau d’enseignement considéré ici. Enfin, si l’affirmation de l’existence d’une intuition des grandeurs chez des enfants même très jeunes ne me semble pas contestable, il ne faudrait pas faire de contre sens sur ce que cela signifie. L’affirmation que dès la grande maternelle les élèves savent que 35+16 est nécessairement plus petit que 92 me semble ainsi une traduction particulièrement osée de ce que nous apprend la recherche cognitive, semblant faire fi de tout ce qui est cognitivement à construire pour que des écritures comme 35, 16, 92, 35+16 fassent sens.

d) Le calcul instrumenté est mentionné, avec cependant semble-t-il certaines réticences. Il me semble important de souligner, comme le fait le texte, que l’instrumentation du calcul ne saurait se limiter aux calculatrices, et que leur usage ne doit pas faire disparaître de l’enseignement les outils matériels qui ont traditionnellement accompagné les débuts de l’apprentissage des nombres et du calcul. Mais il me semble aussi important de souligner, ce que le texte ne fait pas, que le fait que les calculatrices fassent aujourd’hui partie du quotidien doit être pris en compte dans la définition des besoins en matière d’automatisation du calcul, et que c’est un moyen d’en réduire le coût en limitant la taille des nombres concernés par cette automatisation, et de libérer ainsi du temps et de l’énergie pour d’autres apprentissage mathématiques eux aussi nécessaires au citoyen d’aujourd’hui. Au-delà du jeu sur les régularités arithmétiques mentionné, l’usage des calculatrices permet aussi de travailler sur des situations plus complexes nécessitant d’organiser des enchaînements de calcul, en se concentrant sur l’organisation de ces enchaînements, à un moment de la scolarité où l’exécution de tous les calculs à la fin mobiliserait toute leur énergie et leur ferait perdre de vue la dimension stratégique du travail et les raisonnements la sous-tendant.

5. Géométrie et calcul. Je ne peux que souscrire à l’attention qui est portée dans ce texte aux relations entre géométrie et calcul. Et je pense qu’elles conforteront dans leurs vues tous les enseignants qui, depuis la maternelle, mettent en place des activités comme celles citées, et encourageront leurs collègues à faire de même. De nombreux travaux de recherche didactique ont montré l’intérêt d’étendre le champ des nombres vers décimaux et fractions à partir de problèmes de mesures, la façon dont l’extension du calcul d’aires de rectangles à des rectangles de dimensions non entières peut soutenir l’extension de la multiplication aux nombres décimaux et l’intérêt de développer, parallèlement au calcul sur les nombres, un calcul géométrique basé sur les opérations de découpage et recollement. Il ne faudrait pas cependant laisser croire que l’apprentissage des nombres décimaux et des opérations sur ces nombres est quelque chose qui peut s’appréhender uniquement à travers des changements d’unités. De nombreux travaux ont en effet montré que beaucoup d’erreurs tenaces dans ce domaine avaient leur source dans une conception des nombres décimaux comme nombres entiers à un changement d’unité près, et les améliorations obtenues dans les performances sur des tâches de classement de nombres décimaux, une fois l’origine de ces erreurs mieux comprise, l’ont justement été, en prenant une certaine distance parrapport aux pratiques d’enseignement antérieures.

6. Calcul et arithmétique. Cette partie aborde, en les liant deux points via les fractions, l’arithmétique des entiers et la proportionnalité. Pour ce qui est de l’arithmétique des entiers, elle a été renforcée dans les programmes de collège et je trouve qu’il s’agit là d’une très bonne décision. Faire en quelque sorte redescendre cette arithmétique à l’école élémentaire, comme le préconise le texte, me semble irréaliste. Cela charge démesurément la barque et, voulant en faire trop, on fera sans aucun doute comme c’est toujours le cas, tout nécessairement moins bien. Nous vivons depuis la révolution française dans une culture, où l’extension du champ des nombres passe d’abord par les nombres décimaux. Ce n’est pas le cas des cultures anglo-saxones mais c’est le nôtre. On introduit un premier rapport à la notion de fraction à l’école élémentaire mais il est limité et l’on met l’accent sur les besoins mathématiques liés au calcul sur les décimaux. Ceci me semble très raisonnable. La proportionnalité est, dans le texte, étroitement liée à la manipulation de fractions. Là encore c’est un choix mais ce n’est pas le seul possible. De plus affirmer que « des raisons pédagogiques fortes indiquent que celle-ci doit être abordée via la traditionnelle règle de trois » est abusif. A ma connaissance, aucune recherche sérieuse sur l’enseignement et l’apprentissage de la proportionnalité n’a une telle conclusion. Je n’ai rien contre la règle de trois, je fais partie d’une génération qui l’a rencontrée à l’école élémentaire et j’étais bonne élève : elle ne m’a donc pas posé de problème particulier. Je n’ai pas non plus de raison de la sacraliser, et je sais trop bien à quel point le simple fait de l’évoquer met bon nombre d’adultes en situation de blocage pour penser que c’est la panacée d’un apprentissage sans douleur de la proportionnalité. On sait bien qu’il existe de multiples types de problèmes faisant intervenir la proportionnalité, c'est-à-dire des fonctions linéaires, et de multiples techniques pour les résoudre. La règle de trois, telle que je l’ai apprise, correspond à un raisonnement en deux temps basé sur le passage à l’unité. On pourrait attendre de l’école élémentaire qu’elle permette aux élèves de commencer à se familiariser avec ce champ de problèmes, développer des techniques pour les résoudre, en liant raisonnement et calcul et en s’adaptant à la diversité des tâches et des contextes dans lesquels intervient la proportionnalité. Faut-il imposer une règle de trois pour calculer les doses d’une recette pour 8 personnes à partir des doses pour 4, pour chercher à quelle longueur initiale correspondent 10cm dans un agrandissement qui est défini par : 4cm donnent 30cm , reconnaître si deux séries de mesures physiques sont proportionnelles ou non ? Comme dans les autres domaines où intervient le calcul, la réduction à une seule technique, l’automatisation qui l’accompagne, ne doivent pas constituer l’alpha et l’omega de l’apprentissage.

7. Jeux et mathématiques. Oui bien sûr, et sans aller chercher des références aux Etats-Unis, on trouverait de nombreux exemples dans les écoles maternelles françaises. Le succès remporté par les rallyes et compétitions de toutes sortes qui comportent souvent des problèmes numériques ludiques (voir par exemple le rapport récent de l’Inspection générale sur les mathématiques au cycle 3) atteste de l’intérêt des élèves et de l’engagement des maîtres dans ce type d’activités.

8. Conclusion. Oui, il est bon de souligner que, à quelques exceptions malheureuses près, tous les enfants peuvent apprendre à compter et calculer et que c’est une fonction importante de l’école primaire d’assurer cet apprentissage, que cet apprentissage demande des efforts mais peut et doit être aussi source de plaisir. Dans le rapport de la CREM, nous avons vigoureusement argumenté pour une réhabilitation du calcul, en soulignant ce que le calcul apporte à la compréhension des objets mathématiques qu’il engage et que ce qui fait une des forces essentielles des sciences mathématiques, c’est leur capacité à faire rentrer les objets les plus divers dans l’univers du calcul et de trouver les moyens d’automatiser ce calcul, au moins partiellement. Nous avons aussi beaucoup insisté sur le fait que l’on ne saurait séparer calcul et raisonnement qui sont deux dimensions indissociables de l’activité mathématique, et que tout calcul, dès qu’il n’est pas simple routine, est un mélange subtil de parties automatisées et de parties qui nécessitent intelligence et flexibilité. Avant d’être automatisé, un calcul est intelligent, et il ne s’automatise que pour permettre à notre l’intelligence de se mettre au service de tâches, voire de calculs, plus complexes. L’enseignement doit absolument veiller à préserver des équilibres acceptables entre les différentes facettes du calcul. Ce que peuvent être ces équilibres acceptables n’est pas un absolu. Les besoins en termes de calcul de l’élève d’aujourd’hui ne sont pas exactement ceux de ses parents et de ses grands parents. Ils sont plus ambitieux au sens où ils doivent lui permettre d’aborder des tâches moins stéréotypées, de manipuler des systèmes de représentation plus riches, de prendre plus d’initiatives, de mettre le calcul au service d’analyses critiques, au sens aussi où ils doivent créer un rapport au nombre et aux opérations qui permettra à tous les élèves d’étendre le calcul à d’autres objets dans la suite de leur scolarité. Ils sont moins ambitieux aussi par certains aspects parce que, socialement et professionnellement, le calcul est instrumenté aujourd’hui par des technologies efficaces et que ceci modifie, sans bien sûr les annuler, les besoins d’automatisation et de routinisation. Le texte qui est proposé contient de nombreux aspects positifs mais, à le lire, on a régulièrement l’impression que dans la tension entre automatisation et raison, c’est à l’automatisation que la priorité est donnée, et qu’en termes de compréhension, ce qui est d’abord en jeu, c’est la compréhension des techniques opérations et des règles de la numération décimale. Comprendre les nombres, le calcul, développer des techniques de calcul efficaces et susceptibles d’avenir nécessite beaucoup plus que cela, même à l’école élémentaire.

 

 

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