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Consultation sur le projet de programme de mathématiques de la classe de seconde

Dernière modification 20/05/2009 13:39

Avis de l'Assemblée des directeurs d'IREM

Ce texte a été rédigé sous la responsabilité de Nicolas Saby (directeur de l'IREM de Montpellier et président de l'ADIREM), Jérôme Germoni (directeur de l'IREM de Lyon et vice-président de l'ADIREM), Alex Esbelin (directeur de l'IREM de Clermont-Ferrand) et Denise Grenier (directrice de l'IREM de Grenoble)

Ce texte présente un certain nombre d’avis recueillis dans l’urgence, à un moment où le travail de fond dans le réseau des IREM est en cours.

Il s’appuie sur les sources suivantes : des analyses du texte de programme proposé par le ministère, des réflexions issues de ces analyses menées dans un grand nombre d’IREM, quelques propositions à l’étude pour un nouveau programme de seconde. Les textes du réseau sont disponibles en ligne, on en trouve les références à la fin de ce document.

Ce document se compose de trois parties : relevé des points de consensus dans le réseau des IREM, des points sur lesquels un débat approfondi apparaît nécessaire, des suggestions d’infléchissements sur certaines parties du programme.

A. Les points de consensus des différentes sources du réseau des IREM

Les avis des groupes IREM et des commissions inter-IREM semblent unanimes sur les points suivants.

  1. Sur le contexte et l’organisation de l’enseignement
    • La précipitation et l’absence de concertation dans lesquelles ce programme a été écrit ne sont pas acceptables.
    • L’absence d’une vision pertinente de ce que devrait être l’organisation des programmes et des études du lycée interdit toute possibilité d’une conception correcte du programme de seconde.
    • Il y a des incohérences évidentes entre les objectifs « ambitieux » affichés dans l’introduction du programme et un contenu jugé très pauvre.
    • Les propositions de « thèmes d’études » sont superficielles, mal reliées au programme et surtout inefficaces car le cadre proposé ne laissera pas le temps nécessaire pour de telles activités, ou alors elles pèseront sur le besoin de remédier au déficit des savoirs de base.
    • Nous refusons que les volumes horaires de mathématiques soient (encore) diminués.
  2. Sur les contenus
    • La place accordée au raisonnement, à la logique, à la démonstration suscite une large approbation.
    • Il est nécessaire de réintroduire les vecteurs : il serait incohérent de les enlever alors qu’on met en avant la géométrie analytique.
    • La géométrie plane euclidienne doit retrouver une place, en relation avec les objectifs ambitieux sur le raisonnement et la preuve. Les vecteurs permettraient en seconde de reprendre une partie de la géométrie du collège sous un jour nouveau.
    • L’accent mis sur une approche fondée sur les probabilités (et non plus, comme antérieurement, sur la statistique et la simulation) est bien conforme à l’évolution déjà amorcée par la modification des programmes de troisième ; cet enseignement doit être pensé en fonction de ce qu’est l’accessibilité, pour les élèves de seconde, des concepts en jeu.
  3. Sur la place, le rôle et les objectifs des mathématiques
    • Nous refusons que le premier objectif de ce programme soit la réussite automatique de tous les élèves, ce qui implique que celui-ci soit forcément pauvre.
    • Nous refusons que les mathématiques soient au service de l’outil informatique. En effet certaines phrases du programme peuvent être interprétées ainsi. Dans le même esprit, il faut absolument éviter l’identification expérimentation = algorithme = ordinateur, le tout se réduisant à une partie de « pousse-bouton ».

B. Les points faisant débat dans les IREM sur lesquels un travail de fond est nécessaire

  1. Sur les notions à enseigner

    Certains points du nouveau programme semblent a priori positifs, tels la place accordée au raisonnement, à la logique, à la démonstration, et l’accent sur l’introduction d’une approche plus « fondamentale » des probabilités plutôt que sur l’approche statistique vue au collège. Mais on peut légitimement se demander quelle place leur sera réellement accordée dans les classes. Pour ce qui est de la logique, par exemple, elle devrait être travaillée transversalement « tout au long de l’année » alors que dans le même temps la géométrie disparaît, que l’expérimental pourrait malencontreusement être identifié avec l’algorithmique, etc.Une idée forte et abondamment argumentée de la Commission de réflexion sur l’enseignement des mathématiques, était la nécessité d’insister sur la géométrie pour tous les élèves. Ce projet de programme cite la Commission mais il prend le contrepied de cette recommandation, ce qui est un peu étonnant.

    Dans un travail de modélisation, il est nécessaire de connaître un minimum de concepts mathématiques pour pouvoir les reconnaître in situ, éventuellement en ressentir les limites et, plus généralement, abstraire une expérimentation. Le projet de programme risque d’amener à sacrifier les concepts au profit d’une « attitude scientifique » qui tournerait à vide. 

    Plusieurs arguments plaident contre le report de l’étude des fonctions trigonométriques. D’une part, elles fournissent des exemples de fonctions naturelles non monotones et qui n’explosent pas ; elles permettent de modéliser les phénomènes périodiques ; à ces titres, elles intéressent tous les élèves. Pour les scientifiques qui les retrouveront l’année suivante, elles demandent un apprentissage assez long ; ils serait d’ailleurs étrange de suspendre la trigonométrie pendant un an, entre l’introduction du cosinus et du sinus au collège et leur étude comme fonctions en première. 

    De façon générale, en mathématiques, on n’échappe pas à certains concepts difficiles dont l’acquisition demandent un long temps de maturation. Le report de leur introduction est une tendance naturelle, mais ce n’est pas une méthode efficace pour en améliorer la maîtrise.

  2. Sur les objectifs généraux d’un enseignement de mathématiques

    Les textes de la CII Didactique et de l’IREM de Poitiers, par exemple, mettent en avant la « compréhension du monde » qui nous entoure, le lien avec la « vraie vie », la formation des citoyens. Ces objectifs généraux et nobles devraient être ceux de tout enseignement et de toute forme d’éducation, pas seulement à l’école d’ailleurs. Le lycée général doit envisager comme un objectif essentiel d’enseigner aussi les mathématiques pour former des scientifiques de tous niveaux (techniciens, ingénieurs, etc.), et pour permettre à ceux qui ont le projet et l’envie de faire des mathématiques de le mener à bien. 

    Un certain nombre de voix ont exprimé que les contenus de ce projet de programme, passant sous une barre critique, ne permettaient plus de goûter aux mathématiques suffisamment pour se déterminer à une telle carrière.

  3. Sur la résolution de problèmes

    De nombreux travaux des IREM portent sur l’utilisation de problèmes et les situations de recherche dans l’enseignement. Ces travaux montrent en particulier que ces dispositifs ne sont porteurs d’apprentissages que dans des conditions spécifiques de contenus et d’organisation, qui nécessitent une étude approfondie (expérimentations, analyse des apprentissages). S’il est évident que les élèves doivent résoudre des problèmes, encore faut-il qu’ils soient consistants du point de vue mathématique. 

    D’autre part, mettre l’accent sur le seul « entraînement à la résolution de problèmes » ne résoudra pas la question de l’incohérence des programmes, ni celle de l’apprentissage des techniques et des connaissances nécessaires pour faire des mathématiques. Pour reprendre une formule de D. Duverney, il peut y avoir une « tromperie » dans la « pédagogie d’investigation ». 

    Ainsi, organiser l’enseignement des mathématiques au collège et lycée autour de « grandes questions » ne suffira pas à résoudre toutes les difficultés. « Donner du sens aux mathématiques enseignées », passe par un programme cohérent sur le long terme. Les mathématiques sont un ensemble d’axiomes, définitions, théorèmes qui fondent des théories susceptibles de permettre de répondre à des questions naturelles. Il est possible que cela se traduise pour certaines notions par une organisation de l’enseignement en « grandes questions », mais nous ne disons pas que la même démarche stéréotypée est réalisable ou même souhaitable pour toutes.

  4. Sur les tableurs, l’algorithmique, les outils informatiques

    Contribuer à la formation en informatique par de la programmation très élémentaire tels que les schémas de boucles semble plus judicieux que se contenter « d’observer » des tableurs ou d’utiliser des logiciels de géométrie dynamique ou de calcul formel. Cela éviterait de continuer à « tromper les élèves », et de trouver à l’université des étudiants qui disent vouloir être informaticiens par dégoût des mathématiques qu’ils refusent de travailler ! 

    Dans le projet actuel, les heures d’algorithmique seraient prises sur les heures de mathématiques : il est donc souhaitable d’adosser ces deux enseignements. En apportant aux professeurs de mathématiques un moyen d’illustrer l’intérêt de l’effectivité des procédures, l’algorithmique pourrait bien donner aux démonstrations un sens plus acceptable par les élèves. Il faudra savoir laisser du temps à une communauté, celle des mathématiciens, pour (re)découvrir ce concept. 

    Cependant, dans le contexte d’une réforme globale du lycée, la question se pose de la place d’un enseignement de la science informatique qui puisse entretenir des rapports multiples avec l’ensemble des autres sciences. 

    Sur un plan plus technique, le programme pourrait être infléchi pour éviter la possibilité d’une confusion entre l’expérimental et l’algorithmique, et mettre en avant la distance entre ces deux interfaces (il y en a d’autres) de l’informatique et des mathématiques : – dans le cadre de la simulation (expérimentation si on veut, mais il y a une nuance), fournissant aux mathématiciens un outil supplémentaire de travail, dont l’usage requiert des méthodes et des concepts spécifiques, – dans le cadre de la programmation (avec un enrichissement de l’informatique par les mathématiques — étude de la complexité des algorithmes — et des mathématiques par l’informatique — émergence de nouveaux problèmes motivant la construction de nouveaux concepts ou le redéploiement d’anciens). 

    Ces deux interfaces sont importantes, et ce pour tous les objectifs d’un enseignement des mathématiques dans le secondaire.

  5. Sur la pluridisciplinarité

    De manière générale, la pluridisciplinarité n’est pertinente que si on dispose de bases suffisantes dans chacune des disciplines concernées. Sinon, comment peut-on imaginer de proposer des objets d’enseignement intéressants à mettre en interaction ? Mettre en place la pluridisciplinarité dans les programmes nécessite donc un vrai travail de réflexion, qui reste à faire. Pour illustrer notre propos, dans le premier degré, les mathématiques sont presque toujours abordées en relation avec une situation (dite concrète) et une autre discipline. De prime abord, cela rassure en partie professeurs et élèves qui craignent l’abstraction, mais cela ajoute à la difficulté des mathématiques : les notions n’apparaissent pas pures, mais mélangées à d’autres notions extérieures. 
    Dans ces conditions, l’introduction à marches forcées de la pluridisciplinarité, de l’algorithmique ou de « l’informatique » risque fort de se réduire à être une manoeuvre d’évitement des mathématiques, qui ne fera qu’aggraver la situation actuelle déjà préoccupante.

    Que peuvent faire les IREM ?

    Il est urgent de redire le fait que dans toutes les disciplines, il y a des concepts difficiles à intégrer, on ne peut y échapper et il convient de ne pas leurrer les élèves à ce sujet. En mathématiques, le résultat de cette ignorance est que l’on trouve dans les filières scientifiques de l’université des étudiants qui ne savent pas faire la différence entre une intuition et une conjecture, entre une condition nécessaire et une condition suffisante, entre un axiome et une définition, etc., et qui s’imaginent, par exemple, pouvoir faire de la physique ou de l’informatique à un niveau élevé en évitant les mathématiques. Il serait fastidieux de faire la liste de tous ces mots (théorème, définition, conjecture, preuve, axiome, mais aussi : irrationnel, semblable...) devenus aujourd’hui quasiment interdits en classe, alors qu’ils sont fondamentaux pour qualifier ce qui relève des mathématiques. 

     

    Pour ce qui concerne le projet actuel en mathématiques du programme de seconde, les IREM ont initié des réflexions destinées à en étoffer les contenus, et à faire des propositions pour les thèmes d’étude prévus. Ce travail pourrait être amplifié au cours de l’année 2009-2010 et donner lieu à un grand nombre d’expérimentations – les IREM ont déjà prouvé leur compétence pour ce genre de mises en situation, d’observations et d’analyses. Il nous semble en effet nécessaire d’analyser les nombreuses innovations que ce programme introduit avant de les graver dans le marbre. 

    Un objectif ambitieux à moyen terme pour les IREM pourrait être de s’associer à des groupes de travail qui repenseraient les programme de mathématiques depuis le primaire et le collège, en essayant d’y remettre cette cohérence qui s’est perdue au fil des réformes. On intégrerait alors certainement à cette occasion des problèmes « consistants », des « grandes questions », mais aussi des présentations formelles de notions de base sans lesquelles on ne peut rien faire de probant.

 

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