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Les IREM : un réseau au service de l'enseignement et des enseignants

Dernière modification 18/10/2007 12:22

René Cori
directeur de l’IREM de l’université Paris 7,
président de l’Assemblée des Directeurs d’IREM (ADIREM)

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« Un bon enseignant, cela demande, pour 99%, des qualités pédagogiques, et pour 1%, une solide connaissance de la discipline enseignée. » Cette vieille recette bien connue n’a jamais été très populaire chez les mathématiciens. Certains d’entre eux préconisent d’inverser simplement les doses, mais le brouet qu’ils nous servent ainsi n’est guère plus ragoûtant. Essayez plutôt ceci : 99% de qualités pédagogiques et 99% de connaissance de la discipline. Vous m’en direz des nouvelles…

De longue date, les mathématiciens ont eu le souci de maintenir des liens aussi forts que possible entre la recherche et la formation. Les plus grands ont accordé une attention constante aux questions d’enseignement. Souvenons-nous, pour ne citer qu’eux, d’un Gustave Choquet ou d’un Laurent Schwartz (lequel disait que, partant seul pour une île déserte, il emporterait un livre de mathématiques dans le but d’y faire de la recherche… et de l’enseignement !). La recherche pédagogique, la didactique des mathématiques, se sont essentiellement organisées au sein même de la discipline, en tout cas en relation étroite et permanente avec l’ensemble de ses chercheurs et de ses enseignants.

Le réseau des IREM est né, il y a bientôt quarante ans, de cette conviction profonde que des réponses opportunes aux questions que pose notre enseignement, à quelque niveau que ce soit, ne peuvent venir que d’une collaboration entre tous les acteurs de la communauté mathématique. Cette conviction est plus vivace que jamais aujourd’hui.

Implantés au sein des universités, à l’intérieur ou tout à côté des départements de mathématiques, non loin des laboratoires de recherche, les IREM accueillent enseignants et chercheurs de tous ordres, de l’instituteur au professeur d’université, de l’inspecteur au chercheur, du doctorant au professeur de classes préparatoires. Ils trouvent là un des très rares cadres institutionnels où ils peuvent travailler ensemble. La confrontation et la mise en commun de pratiques et de savoirs aussi variés contribuent à faire de nos groupes de travail des laboratoires où outils théoriques et concepts se nourrissent en permanence de l’expérience du terrain. Là se construisent des actions de formation continue de qualité ; là sont produites des ressources utiles pour les enseignants : brochures, livres, vidéos, ressources en ligne, etc.

Nous disposons ainsi d’un outil précieux, pratiquement sans équivalent 1. En témoignent en particulier les réactions de nos collègues d’autres disciplines (physique, svt, informatique, mais aussi français, histoire, géographie, arts plastiques…) avec lesquels nous sommes de plus en plus fréquemment amenés à collaborer. Ils regrettent toujours l’absence de structures analogues dans leur discipline, et apprécient de pouvoir utiliser le cadre que nous leur proposons.

Cette singularité des mathématiques est souvent soulignée, et considérée comme une inégalité de traitement injustifiée. Il y a évidemment deux manières de mettre fin à cette inégalité : doter les autres disciplines d’outils analogues, ou supprimer celui dont bénéficient les mathématiciens ! Est-il nécessaire d’indiquer celle qui a ma préférence ?...

Mais en réalité, la question ne se pose pas vraiment dans ces termes. Le développement des travaux interdisciplinaires, conséquence de l’évolution actuelle des programmes et de l’esprit de l’enseignement (socle commun, thèmes de convergence…), fait que les IREM sont de plus en plus ouverts vers d’autres disciplines, qui peuvent ainsi profiter indirectement de leur savoir faire et de leurs pratiques concrètes.

Il serait absurde de se priver d’un tel instrument et des énormes potentialités qu’il recèle. Il convient cependant de le faire évoluer, de l’adapter aux changements profonds que connaît la société, de l’ouvrir toujours davantage vers d’autres acteurs du système éducatif 2. C’est ce que nous faisons et continuerons de faire. Mais nous devons le faire en veillant à maintenir les liens étroits qui nous unissent à l’ensemble de la communauté mathématique. Réfléchir sur l’enseignement, c’est le droit, c’est même le devoir de tout mathématicien. Ce ne devrait être en aucun cas le domaine réservé de professionnels de la pédagogie, même si la contribution des chercheurs en pédagogie ou en didactique est un élément essentiel. C’est pourquoi les IREM sont ouverts. Nous devons encourager nos collègues des départements de mathématiques de nos universités à venir y séjourner, à participer à nos activités. Cela nous oblige aussi à utiliser un langage qui soit compris de tous. Le jargon nous menace en permanence : faisons tout pour l’éviter.

À un moment où l’éducation est en pleine mutation et où ses protagonistes ne cessent de s’interroger, la formation des maîtres est un des sujets les plus sensibles et les plus importants. Le colloque qu’organise l’Académie des Sciences les 4 et 5 octobre prochains (« La formation des maîtres en sciences : quel avenir ? ») devrait alimenter utilement nos réflexions à ce sujet. Le réseau des IREM y sera représenté. Nous plaiderons pour une formation des professeurs de mathématiques adaptée aux évolutions scientifiques, technologiques et culturelles, intégrant les apports des recherches pédagogiques et didactiques, résolument ouverte sur les autres disciplines, scientifiques aussi bien que non scientifiques, mais en même temps solidement ancrée dans la discipline qui est la nôtre 3.

Cela donne tout son sens à l’existence d’une structure comme l’IREM, idéalement placée pour faire le lien entre le centre névralgique des mathématiques et le territoire de la formation des enseignants, et forte des activités de recherche et de production de ressources qui s’y développent. L’IREM, c’est la maison des professeurs de mathématiques ! Allez dans celui de votre académie. Incitez vos collègues à faire de même. Vous y trouverez beaucoup de choses qui vous seront utiles. Vous y trouverez surtout une équipe de collègues qui ont gardé intacte la passion des mathématiques et de leur enseignement. Cette passion qui est, au fond, la chose essentielle que vous allez à votre tour transmettre à vos élèves !

Au fait ! J’espère vous avoir convaincus que notre recette avec deux fois 99% est de loin la meilleure…


1 À ma connaissance, le seul autre exemple d’une collaboration régulière et institutionnelle entre enseignants de divers ordres et chercheurs est fourni par l’INRP, dont les équipes sont également mixtes, et qui mène d’ailleurs de nombreuses actions communes avec les IREM. Le site educmath (c’est-à-dire l’endroit où nous nous trouvons !) permet de prendre connaissance de ces actions, de leur diversité et de leur richesse. Le succès éclatant d’educmath atteste la vitalité de l’équipe de mathématiques de l’INRP.

2 Je pense notamment aux associations professionnelles ou aux sociétés savantes (APMEP, SMF, SMAI…) qui accomplissent une tâche très utile et avec lesquelles il ne peut être que bénéfique de coopérer.

3 Nous n’avons pas la place de parler ici en détail de la formation des professeurs d’école ; disons seulement qu’elle a besoin d’un environnement scientifique digne de ce nom, qui lui fait actuellement cruellement défaut. Les IREM ont, dans ce domaine aussi, un rôle important à jouer.

 

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