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Les mathématiques à l’école élémentaire, état des lieux

Dernière modification 01/03/2012 10:06

Mots-clefs : didactique, école

Denis Butlen
Pascale Masselot

Nous développons dans les pages qui suivent quelques points qui nous semblent particulièrement importants et qu’il conviendrait d’aborder lors de cette conférence nationale. Nous attirons l’attention du conseil scientifique sur la question cruciale de l’enseignement des mathématiques en ZEP. A ce jour, cet enseignement reste un des enjeux majeurs pour notre système éducatif. Ces points ont notamment trait à l’enseignement des mathématiques en ZEP. Les deux premiers sont relatifs au traitement des difficultés des élèves en mathématiques à l’école primaire et au début du collège. Le point suivant concerne les pratiques des professeurs des écoles enseignant les mathématiques en ZEP. Enfin nous conclurons en inférant de nos résultats de recherche quelques pistes pour la formation en mathématiques des professeurs des écoles. 

La question du traitement des difficultés des élèves en mathématiques

Les recherches que nous avons menées, souvent basées sur l’évaluation des effets de dispositifs d’enseignement sur les apprentissages des élèves, débouchent sur deux constats qu’il nous semble important de signaler ici.

Le premier porte sur la stratégie de remédiation qui consiste à combler chez les élèves des manques diagnostiqués. Aussi bien construits soient-ils, des dispositifs se limitant à combler des manques ne s’avèrent pas aussi efficaces pour les élèves en difficulté importante que pour les autres et sont parfois loin d’apporter des changements qualitatifs.

Le second constat est nettement plus optimiste. Nos recherches ont mis en évidence des cheminements cognitifs spécifiques chez les élèves de ZEP, cheminements susceptibles de favoriser les apprentissages, y compris pour certains élèves en grande difficulté, à condition de travailler sur un temps long (souvent plusieurs années). Ces cheminements cognitifs se caractérisent et se manifestent par des étapes intermédiaires dans le processus de conceptualisation (recours au générique, construction d’outils heuristiques intermédiaires). En ZEP, la mise en Å“uvre de scénarios ménageant pour les élèves en difficulté des situations favorisant ces cheminements spécifiques combinées avec des interventions ciblant plus particulièrement des manques (des pré requis absents) nous semble indispensable si on vise l’acquisition d’un socle commun de connaissances. 

Les pratiques des professeurs des écoles enseignant les mathématiques

Les recherches menées par notre équipe relatives aux pratiques des professeurs des écoles (novices et confirmés) enseignant les mathématiques en ZEP font apparaître trois grandes questions de la profession. Ces questions nous semblent incontournables et doivent être abordées en formation tant initiale que continue ou lors d’un accompagnement à l’entrée dans le métier. La présentation et l’analyse de différentes alternatives constituant des réponses « réalistes » à ces questions permettent également de ne pas faire l’impasse sur la prise en compte du contexte d’enseignement.

En effet, nous avons mis en évidence que les modes de réponses apportées par les professeurs des écoles à ces grandes questions constituent des dimensions organisatrices de leurs pratiques. Ces modes de réponses sont souvent en étroite connexion et participent à la construction de la cohérence et de la stabilité des pratiques d’un enseignant.

L’installation de la paix scolaire (constitué du couple paix sociale - adhésion des élèves au projet d’enseignement du professeur) constitue l’une de ces questions. En effet, elle est une condition nécessaire à un enseignement et son mode d’installation est pour une part déterminé et détermine les mathématiques proposées à la fréquentation des élèves. La seconde question est celle de l’exercice d’une certaine vigilance didactique. Nos recherches montrent que pour exercer cette vigilance didactique, certes la maîtrise des contenus mathématiques enseignés est nécessaire, mais aussi et surtout que la maîtrise de concepts relatifs à l’enseignement de ces contenus est indispensable. Cette dernière implique notamment des connaissances didactiques sur les cheminements cognitifs des élèves, sur les situations qui les accompagnent, sur des résultats de recherches (ayant acquis le statut de faits didactiques, voire de petits théorèmes de didactique), sur les grands types d’erreurs susceptibles d’apparaître lors de l’apprentissage d’une notion donnée, sur les critères permettant d’établir des hiérarchies de procédures susceptibles d’être mobilisées par les élèves, mais aussi sur les outils nécessaires à la mise en Å“uvre (ou à la lecture) d’une analyse a priori des situations proposées par les ressources accessibles aux enseignants, leur permettant de se les approprier (reconnaissance des enjeux des situations, des intentions des auteurs…) et de les adapter (en évitant en particulier la « négociation à la baisse », l’individualisation non contrôlée), nécessaires aussi à la lecture dans l’action des productions des élèves préparant une synthèse et une institutionnalisation adaptée, etc. La troisième question de la profession est celle de la gestion des processus de dévolution et d’institutionnalisation. Notre dernière recherche montre que si un accompagnement des professeurs des écoles, lors des deux premières années d’exercice, se traduit notamment par un enrichissement des pratiques et plus particulièrement par une capacité plus grande à faire des choix conscients et à dévoluer (qui se traduit par des choix de situations plus consistantes, des temps de recherche individuelle et collective plus importants, des mises en commun s’appuyant sur l’explicitation des procédures) qui révèle d’une certaine manière le fait de « faire confiance aux situations » mais aussi de « faire confiance aux élèves » ; en revanche, les effets sur le processus d’institutionnalisation sont plus faibles, voire réduits. Tout se passe comme si les professeurs des écoles manifestaient une résistance à l’institutionnalisation. On peut notamment expliquer cette résistance par la difficulté à penser l’institutionnalisation comme un processus comportant des institutionnalisations locales progressives et articulées qui, pour être efficaces, nécessitent de s’appuyer sur les productions des élèves et de s’inscrire dans leurs ZPD1, des réinvestissements permettant la construction progressive de types de problèmes mais aussi de schémas de problèmes, voire aussi la difficulté de percevoir la nécessité d’accélérer ce processus à des moments « bien choisis ». On peut expliquer cette résistance par un changement de posture (au sens premier du terme) chez le professeur. La posture de dévolution est très différente de celle de l’institutionnalisation. Ainsi par exemple, la première vise à plutôt « laisser la main » aux élèves et donc s’accompagne d’un retrait, au moins apparent, du professeur alors que la seconde nécessite de sa part « de reprendre la main » et le devant de la « scène ». Ce changement de posture peut s’avérer délicat à négocier pour le professeur et reste encore un sujet de recherche assez peu exploré.

Nos recherches ont montré que les modes de réponses apportées à ces trois grandes questions contribuent à la constitution de pratiques très différentes. Le mode de réponse le plus fréquent en ZEP se caractérise notamment par un abaissement des exigences, des scénarios organisés autour de tâches parcellisées et algorithmisées, par une individualisation non contrôlée de l’enseignement et du traitement des comportements et par un défaut d’institutionnalisation. Ces pratiques différentes débouchent sur des mathématiques différentes proposées à la fréquentation des élèves et donc sur des apprentissages potentiellement différents. Persuadés que certains modes de réponses à ces questions ne peuvent émerger du genre et que des apports extérieurs sont indispensables, nous pensons que les dérives que nous venons d’évoquer doivent non seulement faire l’objet d’une explicitation en formation mais surtout déboucher sur la présentation d’alternatives. 

3.Des pistes pour la formation en mathématiques des professeurs des écoles

Ces alternatives pour être crédibles, acceptables et sources d’interrogation pouvant déboucher sur un enrichissement et un développement des pratiques peuvent avec profit s’inscrire dans un dispositif de formation qui se donne les moyens d’entrer en résonance avec le questionnement mais aussi avec les représentations des enseignants sur les mathématiques, sur l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques et sur les élèves. Nous avons vu lors de notre dernière recherche qu’un de ces moyens est de travailler non seulement au niveau global, c’est-à-dire au niveau des grands choix des enseignants mais aussi et surtout à un niveau local que nous avons identifié sous le terme de « routines », c’est-à-dire un ensemble de gestes professionnels concourant tous à la réalisation d’une tâche « assez grosse » comme par exemple la gestion des phases de synthèse ou d’institutionnalisation. Le changement de posture évoqué ci-dessus constitue encore actuellement un des points aveugles de la formation ce qui peut s’expliquer par le fait que, pour être investi avec profit, il soit nécessaire de confronter les (futurs) professeurs des écoles à des situations de classe effectives en « milieu protégé ».

 

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