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Quelques remarques sur les représentations mentales des élèves

Dernière modification 27/02/2012 18:15

Mots-clefs : collège, nombres

Pierre Arnoux

Professeur des universités, mathématiques

Université d'Aix-Marseille

Introduction

Conseil scientifique de la conférence sur les mathématiques dans le socle commun, le 25 novembre 2011

Bien qu'ayant accepté de faire partie du comité scientifique, je ne me sens aucune qualification particulière pour parler de l'enseignement du primaire ou du collège. La seule compétence que je peux apporter, c'est celle d'un enseignant du supérieur, et un certain regard sur ce que la formation mathématique de base amène à la suite des études, et à la vie professionnelle ou citoyenne.

Remarques sur les représentation mentales des élèves

J'aimerais dans ce cadre attirer l'attention sur un phénomène que tous les enseignants ont rencontré : il arrive très souvent que les étudiants possèdent des connaissances, mais ne soient pas capables de les mettre en Å“uvre, même dans des problèmes très simples. Il est clair que pour eux, ces connaissances ont toujours été formelles, et sans relation au monde ; on pourrait opposer ces connaissances formelles à des connaissances abstraites, le mot abstrait sous-entendant que ces connaissances ont été tirées de situations concrètes dont elle ne gardent que certains aspects. Les étudiants qui associent à ces connaissances une ou (encore mieux) plusieurs représentations mentales s'en tirent beaucoup mieux.

 

L'enseignement mathématique est souvent réduit à une liste de connaissances et de compétences (en particulier des algorithmes variés) ; la question que l'on pose est alors celle de l'utilité de ces connaissances, que ce soit pour les études ultérieures ou la vie courante.

 

Or il me semble qu'il y a plus que cela dans l'enseignement mathématique ; il fournit un répertoire de représentations mentales qui sont très utiles, et souvent nécessaires, pour penser le monde moderne. Les mathématiques sont d'abord un langage, qui permet, mieux que d'autres, de décrire une partie de l'univers. Ce langage doit avoir une sémantique : on ne peut parler une langue, si on n'a aucune idée du monde qu'elle veut décrire. Un enseignement formaliste, qui considère les mathématiques comme un jeu sans relations avec l'extérieur, est voué à l'échec pour la grande majorité des élèves.

 

On parle beaucoup de modélisation ces derniers temps, mais c'est un sujet un peu différent : dans une modélisation, on a tendance a utiliser les mathématiques comme un outil pré-existant ; pour que cela soit efficace, il faut déjà avoir une représentation mentale. Par exemple, si dans un modèle on a besoin d'étudier une variation, on fera probablement appel à une dérivée ; mais si on n'a pas déjà une représentation mentale de ce qu'est une dérivée, cette modélisation risque fort de rester formelle, donc incompréhensible et incritiquable (on le voit régulièrement dans les enseignements de modèles économiques ou financiers, quand les mathématiques se réduisent à des formules magiques). Cet exemple relève bien sûr du lycée, mais on pourrait en donner de semblables avec la proportionnalité.

 

L'une des représentations mentales essentielles est celle qui est reliée aux nombres ; d'abord les nombres entiers, avec leurs diverses propriétés additives et multiplicatives, et leurs représentations dans le système décimal, puis les fractions, les décimaux et les réels. J'ai rappelé dans mon intervention un mot de Daniel Duverney, qui disait à propos d'un étudiant que ses nombres étaient morts. C'est-à-dire qu'ils n'entraient pas en relation, et ne faisaient appel à aucune représentation mentale (voir en pièce jointe une digression sur ce que j'entends pas des nombres vivants). L'expérience que j'ai avec les étudiants montre que c'est une cause majeure d'échec dans les études scientifiques, car cela empêche de mener les calculs à bien.

 

Je ne sais pas quelle est la façon la plus efficace d'enseigner ces représentations mentales; mais je sais qu'elles doivent être enseignées, non pour leur utilité directe, mais parce qu'elles informent une vision du monde, et sont la base des connaissances ultérieures. Les professeurs des écoles et des collèges possèdent-ils ces représentations ? Sont-ils conscients de leur existence ? Il faut travailler sur ce sujet.

Conclusion

Je terminerai sur deux remarques :

- opposer une tête bien faite et une tête bien pleine est un lieu commun. C'est aussi, dans une large mesure, une erreur: les connaissances de base sont les outils qui permettent d'en concevoir d'autres. Une tête vide ne peut être bien faite. Mais bien sûr, il ne suffit pas d'apporter des connaissances : il faut aussi assurer les connections entre ces connaissances ; une tête pleine de faits épars n'est pas une tête bien faite.

 

- les controverses qui fleurissent en cette année électorale (dettes, quotient familial, retraites…) reposent, pour nombre d'entre elles, sur des mathématiques élémentaires. Je trouve frappant de voir à quel point le manque de maîtrise par les divers interlocuteurs de représentations mentales élémentaires (pourcentages, taux marginal, flux et stocks, ordres de grandeur…) interdit toute discussion sérieuse sur ces sujets.

 

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